Sur fond de vieillissement démographique, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée atteint une ampleur inédite en Suisse. Une menace pour notre prospérité économique. Face à cette dérive, les solutions ne sont pas à portée de main: ni le personnel autochtone ni les spécialistes de l’UE ne permettent de répondre aux besoins croissants des entreprises en profils pointus.
La perle rare se trouve souvent dans les États non membres de l’UE/AELE. Le hic, c’est que le recrutement de travailleurs qualifiés en provenance d’États tiers est tributaire de quotas fixés annuellement par le Conseil fédéral. En 2022, les entreprises ont eu accès à un total de 8’500 autorisations délivrées par la Confédération. Et pas une de plus.
Ce plafonnement s’applique aussi aux diplômés d’États tiers formés dans les universités et les écoles polytechniques fédérales. Conséquence: chaque année, environ 1700 titulaires de master ou de doctorat issus des pays hors UE/AELE quittent la Suisse. Parmi eux, un millier appartient aux domaines MINT (mathématiques, informatique, sciences naturelles et technique), qui souffrent d’une pénurie aiguë de personnel qualifié. Un frein certain au développement scientifique et technologique de la Suisse.
La situation actuelle est quelque peu paradoxale: la Confédération et les cantons consentent des dépenses considérables (estimées à 200 millions de francs pas an) dans la formation de ces étudiants qui, une fois leur diplôme obtenu, sont priés de quitter le territoire.
Donnant suite à la motion 17.3067 «Si la Suisse paie la formation coûteuse de spécialistes, ils doivent aussi pouvoir travailler ici», le Conseil fédéral a décidé de mettre fin à cette incohérence. Dans son message adopté le 19 octobre dernier, il propose de modifier la loi sur les étrangers et l’intégration (LEI), afin que les ressortissants d’États tiers qui sont titulaires d’un diplôme dans des domaines confrontés à une pénurie de personnel puissent rester en Suisse et y travailler, sans être soumis à des contingents.
La portée de cette mesure est certes limitée (quelque 300 diplômés seraient annuellement concernés), mais, dans un contexte où la guerre des talents fait rage, elle mérite d’être soutenue sans réserve. Reste à savoir si, par souci de cohérence, la modification de la LEI ne devrait pas s’appliquer également aux spécialistes de pays hors UE/AELE ayant obtenu en Suisse un diplôme de formation professionnelle (tertiaire B).
Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agéfi».