Suisse-UE: un accord qui garantit la protection des salaires

14 février 2024 Revue de presse Opinions

Le vœu des partenaires sociaux a été exaucé: l’Union européenne est prête à accepter le système d’exécution dual appliqué en Suisse.

Règle des huit jours, système de cautions, remboursement des frais: la protection des salaires constitue le volet le plus controversé du mandat de négociations Suisse-Union européenne (UE). La réforme agite les syndicats qui font planer le spectre d’un démantèlement des mesures d’accompagnement. Vraiment?

Une lecture attentive du document «Entente commune» mis en consultation par le Conseil fédéral permet d’affirmer sans ambages que, depuis l’échec de l’accord-cadre, des avancées substantielles ont été réalisées en matière de travailleurs détachés. En clair, les mesures proposées garantissent le maintien du niveau actuel de protection des salaires en Suisse, un objectif qui est partagé par les partenaires sociaux.

«Un salaire égal pour un travail égal au même endroit.» Ce principe cardinal, ancré dans la directive européenne sur les travailleurs détachés, sera repris par la Suisse. Un rempart contre la sous-enchère salariale.

Le vœu des partenaires sociaux a été exaucé: l’UE est prête à accepter le système d’exécution dual appliqué en Suisse, où les représentants patronaux et syndicaux jouent un rôle de premier plan. Ces derniers sont reconnus comme des organes pleinement habilités à surveiller le marché du travail et à émettre des sanctions.

L’UE fait une concession de taille pour tenir compte des particularités du marché suisse du travail.

L’UE fait une concession de taille pour tenir compte des particularités du marché suisse du travail. Elle a en effet accepté trois mesures qui vont au-delà de ce qui est prévu par le droit européen: le délai d’annonce préalable fixé à quatre jours, le dépôt d’une garantie financière en cas de récidive ainsi qu’une obligation de documentation pour les indépendants.

Cerise sur le gâteau, Bruxelles est disposée à accorder une clause de non-régression, prévue par le droit de l’UE, qui autorise un Etat membre à maintenir en droit national des dispositions plus favorables aux travailleurs que les textes communautaires. Ce mécanisme évitera à la Suisse de devoir reprendre des développements du droit européen susceptibles d’affaiblir la protection des travailleurs détachés.

Le seul point d’achoppement dans ce dossier reste la question du remboursement des frais. Deux approchent s’affrontent. Au sein de l’UE, les frais (repas, nuitées) sont pris en compte dans le pays d’origine, conformément à la directive sur le travail détaché. En Suisse, en revanche, le code des obligations précise que le salarié doit être indemnisé pour les dépenses réelles engagées dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle (lieu de travail).

Une solution doit donc être trouvée sur ce point pour éviter toute concurrence déloyale. Notons que, paradoxalement, la pratique des frais au sein de l’UE va à l’encontre du principe «un salaire égal pour un travail égal au même endroit». A quand un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne?

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «l’Agéfi».