Égalité salariale – Les faits plutôt que le bourrage de crâne

L’Union patronale suisse publie certains articles du rapport annuel récemment publié légèrement abrégés ou actualisés en tant que série d’été.

Pour beaucoup de monde, le salaire est non seulement un aspect important de la vie professionnelle, mais aussi souvent sujet à controverse. Les larges débats dans les médias sur la transparence salariale ou sur l’automne salarial ont prouvé que rien n’a changé par rapport à l’année passée. L’égalité salariale entre femmes et hommes a également beaucoup fait couler d’encre.

Le principe de l’égalité salariale est ancré dans la Constitution fédérale en ces termes: «l’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale». Du côté de la Confédération, le dossier de l’égalité relève du Bureau fédéral de l’égalité femme-homme (BFEG). Sur son site Internet la réponse de cet organisme à la question de savoir dans quelle mesure l’égalité de rémunération est respectée en Suisse est en substance la suivante: l’égalité salariale n’est soi-disant pas encore réalisée à ce jour, parce près de la moitié de la différence de salariale de 18 pour cent n’est toujours pas explicable et constituerait donc une discrimination salariale potentielle. Dans l’esprit de l’égalité, ce résultat serait fatal… en théorie, parce qu’il ne s’agit que d’une discrimination salariale potentielle. On pourrait certes pousser l’explication plus loin avec une analyse nuancée mais, là encore, en théorie seulement parce que des critères supplémentaires, usuels et essentiels tels que l’expérience professionnelle effective ne sont pas admis dans l’explication. Sachant que la discrimination salariale n’est donc pas prouvée, le terme «discrimination potentielle» est utilisé de façon tendancieuse.

Les pièges de l’approche statistique
Dans ses propos sur l’égalité salariale, le bureau de l’égalité s’appuie sur une analyse statistique basée sur l’enquête suisse sur la structure des salaires de 2020. Dans cette enquête, tous les salaires des femmes sont regroupés en vue de calculer une moyenne. Il en est de même pour tous les salaires des hommes en Suisse. La différence de salaire de 18 pour cent mentionnée pour 2020 en résulte. Or ces chiffres ne reflètent pas la situation réelle dans une entreprise concrète pour une personne isolée. Il faut aussi garder aussi à l’esprit que les différences de salaire ne sont pas la même chose qu’une discrimination salariale.

Bref, tous les facteurs déterminant le salaire doivent donc être pris en compte dans une analyse détaillée des différences de salaires. Le niveau de qualification ou la branche jouent ainsi un rôle considérable dans la détermination d’un salaire. Fort heureusement, l’analyse de l’Office fédéral de la statistique a aussi pris ces caractéristiques en compte. Ces critères sont pourtant loin d’être suffisants pour se prononcer sur les discriminations salariales. Le bureau de l’égalité argue qu’un examen approfondi serait trop fastidieux pour les entreprises. C’est sans doute le cas dans le cadre de l’enquête statistique. Mais faire l’impasse sur cet examen approfondi tout en parlant de « discrimination potentielle » est tout bonnement tendancieux. Il faudrait au contraire assumer qu’une analyse statistique a ses limites et qu’elle ne convient donc pas pour émettre un avis concret sur les discriminations salariales. L’Union patronale suisse (UPS) se voit ainsi confortée dans sa critique selon laquelle une approche purement statistique n’est pas à même de prouver des discriminations salariales.

Il est utile de regarder les entreprises
Depuis la révision de la loi sur l’égalité, les entreprises de plus de cent personnes ont l’obligation de se soumettre tous les quatre ans à une analyse de l’égalité salariale. Les employeurs concernés ont eu jusqu’au milieu de l’année 2021 pour effectuer une première analyse. Les entreprises avaient l’obligation d’informer leur personnel et leurs actionnaires du résultat avant fin juin 2023.

Pour l’UPS, ces analyses d’égalité salariale en entreprise sont nettement plus fiables pour mesurer l’égalité salariale. L’analyse en entreprise ne consiste pas à calculer des valeurs statistiques mais à examiner les salaires concrets de collaboratrices et de collaborateurs identifiables sous l’angle de l’égalité salariale. Ces examens-là dépeignent un tableau réel de l’égalité salariale en Suisse et livrent ainsi une contribution décisive à un débat sociétal fondé. Tant les résultats publiés par des tiers qu’une enquête commandée par l’UPS prouvent que les entreprises ayant une structure salariale discriminatoire constituent une exception très rare. Ainsi, l’enquête portant sur 615 données d’entreprises a révélé que 99,3 pour cent des entreprises évaluées respectent la loi sur l’égalité.

Terreau de revendications politiques
Les «discriminations salariales potentielles» sont un motif idéal pour préparer le terrain à des revendications politiques et syndicales supplémentaires. En même temps elles confortent l’idée prédominante dans certains milieux, que les femmes seraient victimes d’une discrimination systématique en matière de salaires. Les multiples revendications d’une plus forte régulation publique des salaires, d’une plus grande transparence des salaires ou d’un durcissement de la loi sur l’égalité soumises au Parlement sont la preuve que ce terrain a déjà été défriché avec zèle l’année dernière.

La position de l’Union patronale suisse a toujours été claire face au bourrage de crâne politique sur l’égalité salariale: les employeurs ne veulent pas non-plus des discriminations salariales. Les discriminations salariales et les différences de salaires sont deux choses différentes. Pour éviter les différences de salaires, il faut s’en prendre aux causes. Le fait que les parcours professionnels discontinus sont nettement plus fréquents chez les femmes que chez les hommes en fait notamment partie. Toute personne qui se soucie réellement de l’égalité des chances dans le monde du travail doit œuvrer en faveurs de conditions permettant aux femmes de participer à la vie professionnelle de la même façon que les hommes. Cela suppose d’améliorer la compatibilité entre vie professionnelle et familiale et de supprimer les mauvaises incitations fiscales. La polémique et le bourrage de crâne stériles ont un arrière-goût douteux: celui des manigances de protagonistes plus soucieux de gérer leur propre agenda que de faire avancer la cause.