Egalité salariale: quand l’administration contourne le Parlement

Le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) a réalisé un coup de force inadmissible.

8 mars 2024. Comme à l’accoutumée, la Journée internationale des droits des femmes a été célébrée dans plusieurs villes du pays. Au cœur des revendications des manifestants, l’égalité salariale entre hommes et femmes. Une bonne occasion pour faire le point sur ce sujet brûlant.

Rappelons tout d’abord que, depuis le 1er juillet 2020, la loi fédérale sur l’égalité (LEg) impose aux entreprises de plus de 100 collaborateurs d’effectuer une analyse de l’égalité salariale, sous la supervision d’un organe indépendant, et d’en informer les employés et les actionnaires. Pour quelle efficacité? Il faudra attendre le rapport d’évaluation du Conseil fédéral, prévu en 2025, pour le savoir.

Jusqu’ici, toutes les études réalisées à l’échelle cantonale, sectorielle et nationale révèlent que les entreprises ont un système de rémunération équitable. Ainsi, l’enquête de l’Université de Saint-Gall, menée au printemps 2023 auprès de 615 entreprises suisses de plus de 100 collaborateurs, montre que 99,3 pour cent d’entre elles respectent le seuil de tolérance de 5 pour cent fixé par la Confédération et par là même les prescriptions de la LEg.

Sans attendre le bilan du gouvernement sur l’efficacité réelle de la LEg, plusieurs parlementaires issus de la gauche ont tenté de durcir cette base légale, mais sans succès. Abaisser de 100 à 50 collaborateurs le seuil à partir duquel la loi s’applique, introduire des sanctions, établir une liste noire des sociétés en infraction, toutes ces propositions ont été rejetées par le Parlement fédéral.

On ne change pas les règles en cours de partie

En revanche, les adaptations annoncées subrepticement par le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) l’été dernier sont entrées en vigueur le 1er janvier 2024. Depuis cette date, pour les analyses de l’égalité salariale réalisées avec le logiciel Logib, une nouvelle valeur cible facultative de 2,5 pour cent a été introduite et le deuxième test de significativité supprimé.

Face au coup de force du BFEG, un vent d’agacement souffle au Parlement: on ne change pas les règles du jeu en cours de partie. Ce qui a amené, en décembre dernier, la conseillère nationale Schneider-Schneiter à déposer deux motions (23.4434 et 23.4437), qui réclament l’abandon des mesures préconisées par l’administration.

L’élue du Centre relève avec pertinence que l’analyse de l’égalité salariale avait jusqu’à présent été assortie d’un seuil de tolérance de 5 pour cent et de deux tests de significativité pour pallier les lacunes considérables que présente l’outil Logib de la Confédération, notamment en matière d’expérience professionnelle.

Le retour à la situation initiale s’avère ainsi nécessaire car les modifications émanant du BFEG n’ont rien de cosmétique. Elles suscitent la méfiance des entreprises et favorisent l’arbitraire: le risque existe désormais qu’on accuse à tort certaines entreprises de discrimination salariale en raison des faiblesses méthodologiques du logiciel Logib.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».