Congé paternité: les mauvais gagnants

13 novembre 2020 Revue de presse

Deux semaines. C’est la durée du congé paternité légal qui vient d’être acceptée en votation populaire. La nouvelle assurance sociale entrera en vigueur le 1er janvier 2021. Elle sera financée par le régime des allocations pour perte de gain, au taux de remplacement de 80 pour cent, pris en charge, de manière paritaire, par les salariés et les employeurs.

La nouvelle base légale est on ne peut plus claire: les pères exerçant une activité lucrative auront droit à une pause professionnelle de deux semaines, c’est-à-dire dix jours ouvrables. Ils peuvent prendre ce congé dans les six mois qui suivent la naissance de l’enfant, soit en un seul bloc, soit en plusieurs fois. Dont acte.

Mais les syndicats ne l’entendent pas de cette oreille. Par voie de communiqué de presse, Travail.Suisse demande que les deux semaines légales de congé de paternité soient ajoutées aux solutions d’entreprise existantes. Dit autrement, la nouvelle obligation légale doit venir s’ajouter aux mesures prises individuellement ou dans le cadre de conventions collectives de travail (CCT), elle ne les remplace pas.

Travail.Suisse a la mémoire courte. Réclamer une prolongation du congé paternité au-delà de deux semaines s’apparente à un déni de démocratie. Son initiative populaire «Pour un congé paternité raisonnable – en faveur de toute la famille» de quatre semaines a été clairement rejetée aux Chambres fédérales. Opposé à ce texte, le Conseil fédéral précisait dans son message qu’un tel congé «entraînerait des charges supplémentaires pour l’économie et poserait de grands défis organisationnels aux entreprises».

L’étatisation du congé paternité va avoir pour conséquence d’affaiblir le partenariat social. De nombreuses conventions collectives prévoient en effet un congé paternité, pour la plupart d’une durée de cinq jours. Ces solutions conventionnelles permettent de tenir compte de l’extrême diversité de notre tissu économique.

Les dispositions ancrées dans les CCT et les solutions contractuelles seront donc remplacées dès le début de 2021 par une allocation paternité plus généreuse dans la plupart des cas. Les arrangements entre partenaires sociaux deviendront donc obsolètes.

Dans la crise économique actuelle, les employeurs jugent contraires au sens des réalités les demandes d’allongement des jours de congé payé. Certes, les entreprises sont libres d’introduire des réglementations allant au-delà du minimum légal, mais pour nombre d’entre elles, frappées de plein fouet par la deuxième vague du coronavirus, ces nouvelles contraintes auraient des conséquences calamiteuses.

On ne saurait trop souligner la nécessité, comme le réclame Travail.Suisse, d’adopter des mesures durables pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Or, le congé paternité ne contribue en rien à la réalisation de cet objectif. Pour favoriser l’épanouissement de la famille, les efforts doivent porter à l’amélioration des offres d’accueil extrafamilial et, au sein des entreprises, par un recours accru au temps de travail flexible.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agéfi».