Congé paternité: pas de diktat étatique

31 août 2018 Revue de presse

La paternité semble être devenue la préoccupation majeure des décideurs fédéraux. Depuis quelque temps, les propositions fusent pour améliorer le sort des papas. Travail.Suisse demande, par le biais d’une initiative populaire, un congé paternité de quatre semaines. En guise de contre-projet, le PDC préconise de réduire l’allocation paternité à deux semaines.

De son côté, le PLR a présenté un projet de congé parental de 16 semaines, dont au moins deux réservées aux pères. Les Verts réclament un congé parental sur le modèle scandinave de 28 semaines. Il y a enfin la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales qui pousse l’outrecuidance jusqu’à demander un congé parental de 38 semaines.

Dans cette cacophonie, le premier verdict est tombé le 21 août dernier. La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique a décidé d’opposer à l’initiative populaire de Travail.Suisse un contre-projet indirect de deux semaines. Bonne nouvelle: la Commission se dit contraire au texte de la centrale syndicale car elle considère qu’un congé paternité de quatre semaines «entraînerait des charges supplémentaires pour l’économie et poserait de grands défis organisationnels aux entreprises».

Mais les sénateurs semblent avoir la mémoire courte. En avril 2016, le Conseil national a rejeté l’initiative parlementaire du conseiller national Martin Candinas, qui réclamait lui aussi un congé paternité de deux semaines prescrit par la loi et financé par le régime des allocations pour perte de gain.

Plus grave, la solution de «compromis» de deux semaines soutenue par la Commission des Etats présente les mêmes inconvénients que l’initiative syndicale: étatiser le congé paternité en légiférant de manière uniforme constitue une intrusion dans le mode de fonctionnement des entreprises et une extension malvenue des assurances sociales susceptible d’alourdir leurs charges.

Une loi difficilement supportable
Cette obligation fait fi de l’extrême diversité de notre tissu économique, composé pour l’essentiel de PME. Est-il nécessaire de rappeler que 90% de nos entreprises emploient moins de dix collaborateurs?

Pour le dire autrement, même réduit à deux semaines, le congé paternité imposé par la loi serait difficilement supportable – d’un point de vue organisationnel et financier – pour la grande majorité des entreprises du pays.

Nul ne conteste le fait que la naissance d’un enfant entraîne d’importants changements dans un foyer. Mais fonder une famille est une affaire privée dans laquelle l’Etat n’a pas à intervenir. Il doit laisser toute latitude aux entreprises d’introduire et d’aménager un tel congé.

Les entreprises – individuellement ou dans le cadre de conventions collectives – n’ont pas attendu Travail.Suisse pour mettre sur pied un congé paternité, selon des modalités de durée et de financement différentes. Ces solutions individuelles et sectorielles permettent de tenir compte des contraintes et des réalités de chacun.

On ne saurait trop souligner la nécessité d’adopter des mesures durables pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Or, le congé paternité ne contribue en rien à la réalisation de cet objectif. Sur le plan politique, l’amélioration des offres d’accueil extrafamilial demeure prioritaire.

Les entreprises doivent, quant à elles, tout mettre en œuvre pour offrir des conditions de travail flexibles.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».