Travail à temps partiel: bénédiction ou malédiction?

3 mai 2023 Nouvelles

Le plan de mesures contre la pénurie de personnel qualifié récemment publié a également abordé la question du travail à temps partiel. Le débat médiatique sur les avantages et inconvénients de celui-ci a ainsi pris de l’ampleur. La répartition entre travail à temps partiel volontaire et involontaire permet d’éclairer de manière plus nuancée certaines questions relatives au travail à temps partiel.

La population active travaille-t-elle toujours moins?

En 2022, la population a travaillé environ 7798 millions d’heures en Suisse. Il y a dix ans, ce chiffre était encore de 7394 millions d’heures. Ainsi, quelque 404 millions d’heures ont été travaillées par an en plus que dix ans auparavant. Sur la même période, le nombre d’actifs ayant augmenté plus fortement, passant de 4,298 millions à 4,684 millions, le volume de travail annuel par personne a baissé de 1814 en 2011 à 1720 heures en 2021. Par souci d’exhaustivité, il faut toutefois mentionner qu’un nombre considérable de personnes n’ont trouvé le chemin du marché du travail que grâce à l’offre d’emplois à temps partiel. Ces personnes – des femmes dans la plupart des cas – font baisser la moyenne.

Devons-nous vraiment travailler plus?

On estime que, ces dix prochaines années, un demi-million de travailleurs manquera sur le marché du travail suisse. Et ce, principalement en raison de l’évolution démographique. Par ailleurs, la forte croissance des emplois et la croissance relativement faible du volume de travail annuel effectif accentuent également la pénurie de main-d’œuvre. Au cours des dix dernières années, cette dernière a augmenté deux fois moins vite que le nombre de postes. La prospérité n’a pas baissé jusqu’à présent, en grande partie grâce à l’immigration. Si l’on veut préserver la prospérité du pays et maintenir l’immigration dans un cadre raisonnable, il faut augmenter les incitations au travail rémunéré. Il faut s’attendre à ce que la pression sur l’immigration augmente à l’avenir, les pays d’immigration étant eux-mêmes confrontés à une pénurie de main-d’œuvre.

La pénurie de main-d’œuvre dans presque tous les secteurs met désormais en péril des projets d’avenir essentiels pour la Suisse, tels que la transition énergétique ou la numérisation et l’automatisation.

Le travail à temps partiel est-il une bénédiction ou une malédiction?

Il est important de savoir si une personne travaille volontairement ou non à temps partiel. Dans le cas du temps partiel involontaire, on parle de sous-emploi. Ce groupe comprend les personnes qui travaillent à temps partiel et qui souhaiteraient travailler davantage, mais qui ne le font pas parce que les conditions ne le permettent pas. Dans le cas du travail à temps partiel volontaire, les personnes ne travaillent pas davantage car elles sont prêtes à renoncer à une partie de salaire pour profiter de plus de temps libre (effet de revenu). Un salaire plus élevé peut conduire à une hausse (effet de substitution) comme à une baisse du travail (effet de revenu). L’effet prépondérant dépend des préférences de chaque individu.

Le travail à temps partiel nuit-il à l’économie?

Impossible de répondre à cette question par oui ou par non. Ce que l’on peut affirmer avec certitude, c’est que le temps partiel involontaire nuit considérablement à l’économie. Selon l’Office fédéral de la statistique, il concernait quelque 372’000 travailleurs en 2020, parmi lesquels près de la moitié (109’000 femmes et 62’000 hommes) seraient prêts à travailler à temps plein si les conditions cadres étaient plus favorables. Dix ans auparavant, quelque 270’000 personnes étaient sous-employées. Concernant le travail à temps partiel volontaire, il convient de se demander si le revenu comme base de calcul pour la perception des impôts et l’octroi de subventions est encore d’actualité. En effet, avec les systèmes existants, par exemple dans le domaine fiscal ou de l’octroi de subventions, il existe des incitations positives à davantage de temps libre qui n’étaient pas envisagées dans ce but. Un ajustement de cette base de calcul entraînerait un recul du travail à temps partiel volontaire.

L’économie profite toutefois des employés à temps partiel qui ne travailleraient pas s’il n’y avait pas d’offres de temps partiel. Il s’agit souvent de femmes, et en particulier de mères. Au cours de la dernière décennie, le nombre de femmes ayant une activité professionnelle a augmenté de 216’000, dont 112’000 à temps partiel. Chez les hommes, le nombre d’employés à temps partiel a augmenté de 121’000 sur la même période. Chez les pères, le nombre de travailleurs à plein temps a diminué de 22’000, celui des pères travaillant à temps partiel a en revanche augmenté de 40’000 personnes.

Dans de nombreuses branches où les profils de poste sont plutôt destinés à du personnel peu qualifié, les emplois ne sont souvent publiés qu’à temps partiel. Les employeurs ont créé de nombreux postes à temps partiel ces dernières années. En raison de la forte concurrence pour la main-d’œuvre, ils ne peuvent pas renoncer à proposer des emplois à temps partiel, même si ceux-ci ne sont pas compatibles avec l’activité concernée, ou difficilement.

Comment le marché du travail peut-il reconquérir les personnes travaillant à temps partiel?

Il n’est pas du ressort des employeurs de décider dans quelle mesure le travail à temps partiel doit être choisi. L’UPS s’investit davantage en politique avec l’objectif de créer des incitations positives en faveur d’un emploi ou de l’augmentation du taux d’activité. Dans le cas des mères travaillant involontairement à temps partiel, il s’agit de la possibilité de recourir à une garde par des tiers abordable ou de l’introduction de l’imposition individuelle.

Devons-nous travailler jusqu’à 70 ans ou plus?

Selon l’Office fédéral de la statistique, il existe un potentiel de main-d’œuvre d’environ 300’000 emplois (en équivalents plein temps) inutilisé – potentiel résidant auprès des mères et principalement des personnes plus âgées. Près de 22 pour cent des personnes entre 65 et 69 ans travaillent encore et une personne sur huit entre 70 et 74 ans. En 2020, chez les plus de 65 ans, 10,3 pour cent des travailleurs à temps partiel ont indiqué qu’ils aimeraient travailler plus. Avant même l’âge de la retraite, les employeurs et les employés ont la responsabilité de consolider durablement les rapports de travail existants. Ce, par le biais d’un état des lieux régulier et de formations initiales et continues. Les discussions entre employeurs et employés doivent également porter sur la possibilité de nouveaux modèles de travail. Ainsi, une réduction du temps de travail et des responsabilités – et plus de temps pour les loisirs ou les petits-enfants – pourraient être de bon augure pour une collaboration fructueuse et consolidée jusqu’à l’âge de la retraite et au-delà. De telles approches permettraient d’atteindre un meilleur équilibre entre travail et loisirs et les personnes seraient motivées pour travailler jusqu’à l’âge de la retraite, et peut-être même au-delà.