Convention 190 de l’OIT: la manœuvre dilatoire des sénateurs

Eliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail, tel est le noble objectif poursuivi par la Convention 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT). Ce texte, qui a été adopté lors de la Conférence internationale du travail de 2019, vise à protéger les travailleurs contre ces deux fléaux, notamment par des mesures de prévention, d’aide aux victimes et des sanctions.

Pour l’heure, trente-deux pays ont ratifié la Convention 190. Parmi eux: la France, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et le Canada. Et d’autres Etats vont suivre. Mais, oh! surprise, pas la Suisse. L’opposition du Conseil des États en est la cause.

En effet, après refusé l’entrée en matière en première lecture, les sénateurs ont récemment décidé de renvoyer le dossier au Conseil fédéral pour des clarifications juridiques et une nouvelle consultation. Cette manœuvre dilatoire, qui équivaut à un refus déguisé, risque de renvoyer aux calendes grecques la ratification de la Convention.

Les sénateurs craignent que l’interprétation de la Convention ne puisse conduire à terme à un renforcement de la législation suisse du travail. Des craintes infondées car les Conventions de l’OIT sont des bases légales non évolutives.

La violence et le harcèlement n’ont pas leur place dans les entreprises. Ils sont incompatibles avec un travail décent.

La décision de la Chambre haute interroge. Membre fondateur de l’organisation en 1919, la Suisse a ratifié 62 conventions de l’OIT, dont les huit normes dites «fondamentales», qui définissent les principes et les droits minimaux au travail.

Dans son message de mai 2022 favorable à la Convention 190, le Conseil fédéral relève que la législation suisse concrétise déjà le droit à un travail exempt de violence et de harcèlement et offre une protection élevée et efficace. Conséquence: aucune modification de loi ou d’ordonnance n’est nécessaire en cas de ratification.

Le patronat partage cet avis et apporte son soutien à cette norme internationale. Pour limiter la responsabilité des employeurs, l’article 9 de la Convention prévoit des clauses dites de flexibilité. Celles-ci prescrivent aux employeurs «de prendre des mesures appropriées correspondant à leur degré de contrôle…, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable».

La violence et le harcèlement n’ont pas leur place dans les entreprises. Ils sont incompatibles avec un travail décent. Un refus de la Convention 190 écornerait l’image de la Suisse et de la Genève internationale, siège de l’OIT. Elle nuirait à nos intérêts en matière de politique économique extérieure et affaiblirait la crédibilité de la Suisse dans les forums de coopération internationale.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «l’Agéfi».