Télétravail transfrontalier: le flou demeure

20 septembre 2023 Revue de presse Opinions

Ouvrir la boîte de Pandore. L’expression n’est pas galvaudée pour décrire la mise en application des deux conventions sur le télétravail transfrontalier, récemment signées par la Suisse. Salués par les milieux économiques, les accords sur la fiscalité et sur la sécurité sociale sont censés apporter sécurité juridique et prévisibilité après les turbulences liées à la pandémie de Covid-19. En réalité, ils s’avèrent être un casse-tête pour les employeurs.

Pour rappel, l’accord bilatéral fiscal entre la Suisse et la France permet aux frontaliers d’effectuer du télétravail depuis la France jusqu’à 40 pour cent par an, sans incidence fiscale. De son côté, la convention sociale multilatérale conclue entre la Suisse et certains pays de l’UE (dont la France) autorise le «homeoffice» des frontaliers jusqu’à 50 pour cent par an, sans qu’ils soient soumis à la sécurité sociale des États de l’UE.

On le voit, les accords fixent deux seuils de tolérance différents. Mais alors, quel taux appliquer? Un dilemme pour les entreprises employant des frontaliers domiciliés en France. Par mesure de prudence, plusieurs associations économiques romandes recommandent le plus petit dénominateur commun: 40 pour cent (soit deux jours par semaine)

Les différences entre les deux conventions concernent aussi leur champ d’application. L’accord fiscal stipule que les missions temporaires (voyages d’affaires) effectuées hors de Suisse doivent être inclus dans la limite des 40 pour cent et ne doivent pas excéder 10 jours par année civile. Cette contrainte supplémentaire suscite de multiples questions: quid notamment des cours de formation continue suivis à l’étranger? La clarté s’impose car des sanctions pénales sont prévues en cas de non-respect de cette double limite.

Pour l’heure, de nombreuses questions restent sans réponses. Or, pas de télétravail sans sécurité juridique.

En revanche, les déplacements professionnels ne sont pas mentionnés par l’accord sur la sécurité sociale. Est-ce à dire que cet accord tombe à l’eau, si un télétravailleur frontalier effectue ne serait-ce qu’un jour de déplacement professionnel au-delà des frontières nationales? La question divise les experts. Mais si tel devait être le cas, c’est le règlement CE no 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale qui s’appliquerait, avec à la clé un seuil de tolérance de 25 pour cent.

Autre source d’inquiétude pour les employeurs: l’accord fiscal reste muet sur le risque d’établissement stable. Un risque à ne pas courir puisque, dans un tel cas, les entreprises suisses seraient amenées à payer l’impôt sur les sociétés en France.

En dépit de l’existence de deux accords internationaux, une grande incertitude règne au sujet du télétravail transfrontalier. Pour l’heure, de nombreuses questions restent sans réponses. Or, pas de télétravail sans sécurité juridique. Nos autorités seraient donc bien inspirées de répondre rapidement au besoin d’information des entreprises.


Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agéfi».