En acceptant les quotas féminins, le Conseil national entrave l’action autonome

15 juin 2018 Nouvelles

Le Conseil national est le premier à se prononcer d’extrême justesse pour une solution des quotas dans les organes supérieurs des grandes entreprises. Depuis des années, l’Union patronale suisse se fait un point d’honneur de préconiser l’augmentation de la part des femmes dans les organes dirigeants des sociétés. La décision d’entraver l’action autonome des entreprises en leur imposant une contrainte légale est d’autant plus incompréhensible.

Dans le débat sur le message du Conseil fédéral relatif à la réforme du droit de la société anonyme, le Conseil national avait à statuer sur la réglementation des quotas. Selon ce texte, les grandes sociétés cotées en bourse occupant plus de 250 collaborateurs devraient compter au moins 30 pour cent de femmes dans leur conseil d’administration et 20 pour cent au sein de leur direction. La Chambre du peuple s’est ralliée à une voix près à la recommandation de sa Commission des affaires juridiques et s’est ainsi prononcée en faveur de ce système de quotas. La réglementation prévoit une mise en application du modèle pour une durée illimitée à l’issue d’un délai transitoire de cinq ans pour les conseils d’administration et de dix ans pour les directions d’entreprises. Une entreprise qui n’atteint pas ce niveau de représentation minimum de femmes doit se poser la question des raisons de cette situation et élaborer des mesures propres à l’améliorer.

Du point de vue des employeurs, le Conseil national suit la mauvaise voie pour atteindre le bon but, à savoir faciliter l’accession d’un plus grand nombre de femmes aux positions supérieures des sociétés. Un quota n’est rien d’autre qu’une ingérence dans la liberté d’organisation des entreprises dont l’effet ne tient d’ailleurs pas sur la durée. Premièrement, un quota féminin n’a pas pour effet d’accroître le réservoir de talents des femmes dans lequel il serait possible de recruter les futurs cadres dirigeants. Deuxièmement, ce n’est pas un élément qui contribue à améliorer la compatibilité entre famille et vie professionnelle et par conséquent à renforcer l’activité professionnelle des mères. Mais ces deux aspects constituent une condition essentielle d’une augmentation de la proportion de femmes dans les conseils d’administration et les directions des entreprises. En outre, un quota axé exclusivement sur la notion de sexe ne tient pas compte du fait que d’autres critères, tels que la formation, l’expérience professionnelle ou les compétences professionnelles ont leur importance dans la perspective de l’exercice d’une fonction dirigeante ou de la composition d’un organe de direction.

Les entreprises n’ont pas besoin d’un corset législatif rigide, car elles ont tout intérêt à recourir à des mesures individuelles pour augmenter la part des femmes dans leurs organes dirigeants: moins il y aura de main-d’œuvre disponible à l’avenir, moins les entreprises pourront se passer des services de femmes très qualifiées aux postes dirigeants. A cela s’ajoute le fait scientifiquement prouvé que les équipes mixtes travaillent avec davantage de succès. Il n’est donc pas étonnant que l’économie s’efforce spontanément depuis plusieurs années de s’attacher les services d’un plus grand nombre de femmes dans des fonctions dirigeantes. Mais l’État et la société doivent aussi s’engager à créer les conditions-cadre adéquates pour les mères qui travaillent et à surmonter les stéréotypes de rôles dépassés. La part sans cesse croissante des femmes dans les organes dirigeants est déjà la preuve que la voie suivie conduit au but visé.