Égalité salariale: un acte de raison

19 mars 2018 Revue de presse

La récente décision du Conseil des États de renvoyer à sa commission compétente le projet de révision de la loi sur l’égalité a suscité colère et incompréhension. Le Parti socialiste fustige «une gifle infligée à toutes les femmes professionnellement actives». L’Union syndicale suisse s’indigne contre une attitude hypocrite et scandaleuse.

La colère est mauvaise conseillère. Un bref rappel de quelques vérités s’avère nécessaire pour montrer que la réforme menée à un train de sénateur par la Chambre des cantons ne traduit nullement une attitude dilatoire, mais constitue plutôt un acte de raison.

A en croire les jusqu’au-boutistes de l’égalité salariale, les sénateurs seraient des machos sans états d’âme à la botte de l’économie. Or, cette dernière s’oppose à toute forme de discrimination, et en particulier à celle envers les femmes. A travail égal, salaire égal: le mandat constitutionnel doit être rempli, mais pas à n’importe quel prix. L’économie rejette la mise en place d’une police des salaires qui viendrait fouiller dans les comptes des entreprises.

Comme le montrent les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS), les disparités salariales entre les sexes sont en recul, passant de 23,6 à 19,5 pour cent entre 2012 à 2016. La plus grande part de cette différence trouve son origine dans des facteurs structurels tels que la disparité du niveau de formation ou la différence du nombre d’années de service des travailleurs.

Pendant la même période, la part inexpliquée des écarts salariaux (qui demeurent malgré l’élimination des différences fondées sur des critères objectifs) est tombée de 8,6 à 7,4 pour cent. Ce dernier chiffre doit toutefois être interprété avec des pincettes.

La méthode utilisée par l’OFS masque en effet d’importants facteurs, tels les interruptions d’activité professionnelle et l’expérience professionnelle effective, qui ont une influence considérable sur le niveau des salaires. En raison de ce biais méthodologique, les «écarts salariaux inexplicables» auxquels aboutit l’analyse de l’OFS ne peuvent en aucun cas être assimilés à de la «discrimination salariale».

Les causes des inégalités salariales de genre sont connues: les femmes subissent davantage d’interruptions de carrière que les hommes, elles ont des taux d’activité plus faibles qu’eux et sont minoritaires dans les professions qui exigent une forte flexibilité géographique et temporelle. Ces entraves à la parité salariale découlent de la difficulté de concilier carrière et famille. C’est bien là que le bât blesse.

Tout doit donc être mis en œuvre pour permettre aux femmes de participer à égalité des chances à la vie active. Comment? Par la mise sur pied de structures d’accueil extra-familial de jour pour enfants, par l’exonération fiscale des frais de garde et par un recours accru au télétravail.

Dans ce contexte, l’obligation faite aux entreprises qui emploient au moins 100 travailleurs (soit environ un pour cent des entreprises) d’effectuer des analyses de salaire est un coup d’épée dans l’eau qui s’attaque aux symptômes plus qu’aux causes du problème.

Le Conseil des États l’a bien compris et a renvoyé cette proposition en commission. Avec raison, il demande à cette dernière d’étudier d’autres solutions susceptibles d’améliorer réellement la cause féminine.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».