Pénurie de main-d’œuvre: la prospérité en danger

La pénurie de personnel met sens dessus dessous le marché du travail. Les chiffres donnent le vertige. Fin 2022, plus de 120’000 postes étaient vacants en Suisse. Et le pire est à venir: la vague de départ à la retraite aidant, près de 500’000 travailleurs pourraient faire défaut à l’horizon 2030.

Or, ces chiffres globaux ne disent pas tout: quels secteurs et quelles professions ont le plus de peine à recruter? Une récente étude menée par le Centre de recherches conjoncturelles (KOF) et le consultant BSS pour le compte de l’Union patronale suisse répond à cette question.

Les experts ont examiné la durée de vacance de près de 3,1 millions d’annonces d’emploi publiées en ligne entre 2018 et 2021. La durée de vacance décrit le temps écoulé entre la mise en ligne et la suppression d’une annonce sur une plateforme d’emploi. L’étude repose sur l’hypothèse selon laquelle plus une offre pour un poste est publiée longtemps, plus la pénurie de main-d’œuvre est forte.

Force est de constater que la durée de vacance varie fortement, non seulement d’un emploi à l’autre, mais aussi d’une branche à l’autre. L’analyse par branche révèle une pénurie de talents aiguë dans les domaines «architecture et planification», «bois et papier» ainsi que dans le secteur de la construction.

La perte de valeur ajoutée subie par l’économie peut atteindre jusqu’à 0,9 pour cent du produit intérieur brut.

La «technique environnementale», «l’approvisionnement en eau», «l’informatique» et les diverses branches de l’industrie MEM enregistrent également une durée de vacance plus longue que la moyenne. A y regarder de plus près, l’étude montre que les entreprises souffrent d’une carence de personnel spécialisé face aux défis à venir de la transition énergétique, du numérique et de l’automatisation. Un défi majeur pour notre économie.

La pénurie de main-d’œuvre qualifiée varie également en fonction des régions. C’est en Suisse romande et plus particulièrement dans les cantons de Genève et de Vaud que les postes sont les plus rapidement pourvus. A en croire les auteurs de l’étude, ces différences s’expliqueraient par le nombre plus élevé de demandeurs d’emploi de ce côté-ci de la Sarine.

Selon le KOF et le BSS, des durées de vacance excessivement longues (qui dépassent une durée moyenne prédéfinie) ont un coût, puisqu’elles font perdre des heures de travail productives aux entreprises. Les experts estiment que la perte de valeur ajoutée subie par l’économie peut atteindre jusqu’à 0,9 pour cent du produit intérieur brut, ce qui représente près de sept milliards de francs. Des chiffres qui interpellent:  si la main-d’œuvre fait défaut, c’est la prospérité de la Suisse qui est en danger.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agéfi».