Pour l’AVS, il s’agit de tirer les leçons de la révision de l’AI et d’agir à temps.
D’élections en élections, rien ne change. Plus encore qu’à tout autre domaine, ce constat s’applique à la politique sociale. De plus en plus, les projets de réformes des assurances sociales s’étirent sur plusieurs législatures et même à la fin de celle-ci, la liste des problèmes en suspens demeure plus longue que celle des révisions réussies. Est responsable de cette situation, outre la complexité objective des matières, une attitude de déni très répandue face aux défis à venir.
Ouvrir les yeux
L’exemple de l’assurance-invalidité (AI) devrait nous ouvrir les yeux sur les conséquences fâcheuses que peut avoir le refus d’accepter la nécessité des réformes. Chacun pouvait observer une progression des déficits de l’AI depuis le début des années 90. Mais au lieu de s’attaquer tout de suite aux causes du phénomène – l’explosion des rentes – on n’a cessé de pousser le problème devant soi à coup d’injections de capitaux. Ce n’est qu’à partir de la 4e révision de l’AI que s’est enclenché le processus qui doit progressivement remettre l’AI sur les rails. L’AI ne retrouvera des comptes équilibrés qu’en 2018 grâce à un financement supplémentaire massif et il lui faudra dix ans de plus pour effacer ses dettes … à condition que soient acceptées les corrections de prestations de la révision 6b de l’AI, contre lesquelles la menace du référendum se dessine déjà.
Le fait d’avoir frôlé la catastrophe pour l’AI n’a pas renforcé hélas la volonté de procéder aux réformes que réclame l’AVS. En refusant la 11e révision de l’AVS (après dix ans de travaux parlementaires!), on a raté une première occasion d’alléger sa situation, et dans le débat sur l’adaptation du 1er pilier aux défis démographiques, des voix se font à nouveau entendre qui mettent en doute la nécessité d’une action rapide. Les «escamoteurs de problèmes» font valoir que l’AVS a encore des bases solides et que ses derniers chiffres annoncent des perspectives «plus souriantes» qu’il y a quelques années.
En fait, on devrait dire «moins dramatiques», car le résultat de répartition du 1er pilier tend clairement à se détériorer; une dégradation qui va s’accélérer si bien que le fonds de compensation entrera au début des années 2020 dans la «phase de fusion» et tombera en quelques années sous la limite critique en matière de liquidités.
Agir à temps!
Ce qui est certain, c’est l’incertitude des perspectives économiques. Il est difficile de prévoir l’évolution conjoncturelle, dont dépendent les cotisations salariales et le produit de la TVA pour l’AVS. Reste que la tendance est clairement négative, car le rapport cotisants/rentiers va se détériorer sérieusement. Les lacunes financières qui en résulteront ne seront pas comblées par des hypothèses optimistes sur la croissance économique, les cotisations et la TVA.
Le besoin de réforme de l’AVS est patent et nous ne devons pas nous en laisser distraire par des critiques de détail sur des pronostics. Que nous entrions dans la phase critique trois ans plus tôt ou trois ans plus tard n’est pas très important. Plus tôt on empoignera les réformes, plus on aura de marge pour assurer une transition optimale vers le nouveau régime. Nous échouerons si le déni et la temporisation l’emportent à nouveau. Bien médiocre serait une politique sociale qui fonctionnerait sur le principe: «Il faut d’abord toucher le fond pour remonter».