Les mesures de lutte contre la pandémie de coronavirus sont maintenant en vigueur depuis près de deux mois et exigent de nous tous beaucoup de discipline et de persévérance. Le Conseil fédéral a présenté récemment une feuille de route pour la reprise progressive de l’activité économique – une série de petits pas sur le long chemin du retour à une normalité qui paraîtra nouvelle dans un premier temps. Chaque étape vers l’ouverture comporte des risques, indépendamment de l’épée de Damoclès d’une deuxième vague épidémiologique, qui aurait des conséquences encore plus graves que la première pour l’économie et la société.
Que signifie ce climat difficile pour les entreprises? La situation conjoncturelle, qui avait déjà commencé à se détériorer en début d’année, a été massivement aggravée par les mesures contre la pandémie. Le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) prévoit actuellement une baisse du produit intérieur brut voisine de 7 pourcent sur 2020. Les chiffres du marché du travail publiés la semaine dernière par le Seco soulignent également les défis que pose la crise du coronavirus à de nombreuses entreprises.
On constate, par exemple, que plus de 1,9 million de personnes sont déjà inscrites au chômage partiel, soit quelque 37 pourcent de la population totale des salariés. De fin février à fin avril, le nombre de chômeurs a augmenté de plus de 35’000 (+ 0,8 points de pourcentage), alors qu’il avait baissé de plus de 12’000 (- 0,3 points de pourcentage) au cours des deux mêmes mois de l’année précédente. La brutalité de ces chiffres ne doit pas nous faire perdre de vue que la progression du chômage depuis le début des mesures Covid-19 aurait été nettement plus forte sans l’instrument du chômage partiel. Notons aussi une lueur dans le tableau: le nombre de chômeurs a moins augmenté de mars à avril que de février à mars. Cette évolution est probablement due en partie à une communication plus claire du Conseil fédéral sur les mesures d’ouverture du marché, donc à la sécurité de planification accrue qui en résulte pour les entreprises.
Sans surprise, les entreprises touchées davantage que la moyenne par le chômage sont celles qui ont dû réduire tout ou partie de leurs activités suite aux mesures adoptées par le Conseil fédéral. C’est particulièrement le cas des branches du tourisme et du commerce de détail. Le secteur non alimentaire du commerce de détail est tombé dans de grandes difficultés à cause des fermetures forcées de ces derniers mois. Dans l’industrie également, le chômage a progressé à un rythme supérieur à la moyenne sur cette période. La crise sanitaire y a aggravé une situation qui était déjà difficile en début d’année. Dans le secteur de la construction également, l’activité s’est effondrée en raison des fermetures de chantiers ainsi que de la baisse et des retards de commandes.
Dans l’intervalle, de nombreuses entreprises frappées par des fermetures totales ou partielles ont rouvert ou repris leurs activités dans le respect des mesures de protection en vigueur. Cette étape importante vers la normalité redonne à nombre d’entre elles une perspective encourageante et surtout une sécurité de planification. La prudente confiance ainsi retrouvée et l’amélioration prévisible de leur situation financière devraient les inciter à sortir petit à petit leur personnel du chômage partiel et à ne plus avoir à licencier. Le grand avantage du chômage partiel est particulièrement évident au moment de la réouverture d’une entreprise, quand le personnel mis en réserve peut être pour ainsi dire «réactivé» par une pression de bouton.
Il est frappant de constater que les mesures d’ouverture du marché prises jusqu’ici ont presque exclusivement profité aux branches et aux entreprises de l’économie domestique. Longtemps l’industrie, dont les entreprises sont souvent fortement axées sur l’exportation, n’a guère été écoutée par le Conseil fédéral. Voilà toutefois que la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter a répondu à l’une de ses principales requêtes en ouvrant les frontières aux déplacements d’affaires importants. Les monteurs, par exemple, peuvent à nouveau effectuer des travaux d’entretien et de réparation chez le client. Cette ouverture permet également aux clients étrangers d’entrer dans notre pays afin d’inspecter, essayer et acheter sur place des productions locales.
Malgré ces premiers pas vers l’ouverture du marché, des défis et des incertitudes majeurs demeurent. D’une part, les mesures de protection s’appliquant aux services en contact avec la clientèle signifient que les entreprises ne peuvent réaliser qu’une petite partie de leur chiffre d’affaires habituel. D’autre part, on ne sait pas dans quelle mesure les clients seront bientôt d’humeur à consommer comme avant dans ces conditions.
L’Union patronale suisse se félicite de la feuille de route du Conseil fédéral, désormais clairement définie, pour l’ouverture progressive de l’activité, car elle est absolument essentielle à la sécurité de planification des entreprises. Cela dit, on ne peut absolument pas déterminer clairement, pour l’instant, si et quand les concepts de protection seront assouplis ou abolis et quand l’économie pourra fonctionner de nouveau sans restrictions. Dans l’intervalle, les entreprises devront affronter des pertes considérables de chiffre d’affaires et de bénéfices.
Les effets du coronavirus restent très sérieux et il y a fort à parier qu’à moyen et même à long termes, l’économie et la société devront s’adapter à une normalité nouvelle.