Gare à la pénurie de personnel spécialisé!

6 mai 2011 Opinions

La pénurie de personnel que connaît la Suisse est de nature structurelle et va continuer de s’aggraver. Un inventaire de ses causes s’impose donc, ainsi que des contre-mesures!

En étudiant les chiffres du marché du travail sur ces dix dernières années, on est frappé par deux phénomènes: d’abord le taux de chômage n’est jamais tombé au-dessous de 2,3 pour cent, même dans la période de boom de 2005 à 2008 (qui a vu plus de 350’000 nouveaux emplois se créer), ensuite, l’offre de travailleurs qualifiés est demeuré très serrée dans divers segments, même pendant les périodes de
fort chômage.

On assiste sur le marché du travail à une mutation structurelle, en ce sens que les chances d’occupation des travailleurs peu qualifiés diminuent alors que la demande de maind’oeuvre bien formée dépasse le potentiel existant. Cette transformation de la demande sera encore accentuée dans les années à venir par l’évolution démographique. Ces développements combinés vont entraîner une pénurie de personnel qualifié, qui sera sur-amplifiée par les hauts et les bas de la conjoncture.

Epuisement du potentiel domestique
En passe de constituer un frein durable à la croissance, cette pénurie structurelle est donc un défi stratégique. D’où l’importance d’un contre-feu, qui s’impose essentiellement dans quatre domaines: formation initiale et continue, conciliation travail-famille, recours aux travailleurs âgés et immigration de personnel étranger qualifié. A ces divers chapitres, tous les acteurs doivent se retrousser les manches: les employeurs comme les travailleurs, la société comme le monde politique.

Combattre la pénurie de personnel spécialisé commence par l’utilisation la plus rationnelle possible des ressources de personnel disponibles en Suisse. Pour y parvenir, il faut d’abord pouvoir compter sur  une qualification adéquate des travailleurs, ensuite sur des conditions-cadres qui incitent ceux-ci à participer le plus activement et le plus longtemps possible au marché du travail. Grâce à notre performant système de formation continue, le potentiel de qualifications non exploité est encore limité en Suisse.

Plus importantes, en revanche, sont les réserves de travail en friche: à cause du manque de possibilités de conciliation travail-famille, beaucoup de femmes qualifiées sont contraintes de limiter leur temps d’occupation, tandis que de nombreux travailleurs âgés et performants quittent la vie active parce que notre société reste obstinément fixée sur l’âge de la retraite à 65 / 64 ans. L’élimination de ces barrières pratiques et mentales est dès lors un impératif économique!

Indispensable ouverture du marché
Mais pour déjouer la menace d’une pénurie de personnel, l’exploitation optimale du potentiel indigène ne suffit pas. Comme le montre la forte proportion de ses travailleurs étrangers (environ 27 pour cent) le marché helvétique est trop petit pour fournir suffisamment de personnel à notre économie nationale très développée. Nous sommes tout simplement incapables de «produire» tous les spécialistes, chercheurs et cadres que réclame notre place intellectuelle, économique, financière. Les entreprises ont donc besoin d’un recrutement complémentaire dans l’espace européen et aussi – bien que sélectif! – sur le marché mondial du travail. Ceux qui ne veulent pas l’admettre risquent de les voir partir.