La politique salariale est un éternel recommencement. Chaque année, au mois d’août, les syndicats sortent du bois pour poser leurs revendications. 2024 ne déroge pas à la règle: cette fois, c’est Travail.Suisse qui exige pour l’année prochaine «des augmentations significatives allant jusqu’à 4 pour cent, afin de surmonter la crise du pouvoir d’achat».
Des exigences considérées comme excessives, voire irréalistes par les employeurs. Non sans raison. La situation conjoncturelle, fragilisée par une faible demande extérieure dont souffre en priorité l’économie exportatrice, n’est pas propice à une telle générosité. Autre élément important: l’enquête menée par l’Institut de recherches conjoncturelles de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (KOF) début juillet auprès de 9000 entreprises confirme que les syndicats font fausse route.
Selon l’Institut zurichois, la hausse des salaires nominaux anticipée par les entreprises en 2025 devrait être de 1,6 pour cent en moyenne, alors que l’inflation devrait se modérer à 1 pour cent. Heureuse conséquence: les travailleurs devraient bénéficier d’une augmentation des salaires réels d’environ 0,6 pour cent l’année prochaine.
Contrairement aux dires des syndicats, le pouvoir d’achat des salariés ne s’érode pas
Un constat s’impose: contrairement aux dires des syndicats, le pouvoir d’achat des salariés ne s’érode pas. Compte tenu de la baisse de l’inflation, l’embellie salariale amorcée cette année – le KOF annonce une hausse des salaires réels de 0,6 pour cent – devrait se poursuivre à l’avenir.
L’enquête KOF montre qu’il existe une grande diversité de situations entre les branches. La preuve que les syndicats ont tort de réclamer des hausses des rémunérations généralisées. Il apparaît que les secteurs tournés vers le marché intérieur tendent à avoir plus de latitude que les branches exportatrices. C’est le cas de l’hôtellerie–restauration qui table sur un relèvement des fiches de paie de 2,8 pour cent l’année prochaine.
Travail. Suisse fonde ses revendications sur le besoin de rattrapage du renchérissement des trois dernières années. Certes, de 2021 à 2023 les salaires réels ont baissé, mais cette période a été marquée par la pandémie et les crises multiples qui ont suivi. Dans ce contexte, la hausse des coûts de consommation intermédiaire a également frappé les entreprises, réduisant d’autant leur marge de manœuvre salariale.
Le besoin de rattrapage est d’autant moins justifié que les salaires réels ont augmenté en moyenne de 0,3 pour cent par an entre 2012 et 2022. Durant la dernière décennie, les entreprises suisses ont donc renforcé le pouvoir d’achat de leurs collaborateurs. Une tendance lourde confirmée par l’augmentation, ces dernières années, du taux de salaire, qui mesure la part des rétributions des salariés dans le PIB, alors qu’en parallèle la part des bénéfices dans le PIB a baissé.