Un résultat sans appel. En mai 2014, 76 pour cent des Suisses ont rejeté l’initiative populaire sur les salaires minimums. Le texte n’a trouvé grâce dans aucun canton. L’affaire semblait entendue: au pays du partenariat social, le salaire minimum inscrit dans la loi n’a pas sa place.
Fixer des salaires est l’affaire de chaque entreprise ou des branches lorsqu’elles sont régies par des conventions collectives de travail. Ces solutions individuelles et sectorielles doivent être privilégiées, car elles permettent de tenir compte des contraintes et des réalités de chacun.
Neuf ans après le vote fédéral, ces principes de bonne gouvernance semblent avoir été oubliés: cinq cantons – Neuchâtel, Jura, Tessin, Genève et Bâle-Ville – ont introduit un salaire minimum. Et d’autres pourraient suivre: en début d’année, une initiative pour un salaire minimum à 22 francs de l’heure a été lancée en Valais.
Cette évolution est préoccupante à plus d’un titre. Que ce soit à Genève ou ailleurs: le salaire minimum est un corset réglementaire qui met à mal non seulement la flexibilité mais aussi l’efficacité et la stabilité du marché du travail, avec des pertes d’emplois à la clé.
Le Parlement fédéral vient d’adopter une motion qui rétablit la primauté des conventions collectives de travail étendues sur le droit cantonal
Les nouvelles réglementations affaiblissent également le partenariat social: à quoi bon négocier la fixation des salaires entre patronat et syndicats si le résultat peut être annulé par des dispositions cantonales? Conscient du problème, le Parlement fédéral vient d’adopter la motion «Protéger le partenariat social contre des ingérences discutables», qui rétablit la primauté des conventions collectives de travail étendues sur le droit cantonal.
Depuis quelques temps, le vent réglementaire souffle également sur les communes. En novembre 2020, trois initiatives communales demandant l’introduction d’un salaire minimum de 23 francs ont été déposées à Zurich, Kloten et Winterthur.
Le 1er février dernier, le Parlement de la ville de Zurich s’est prononcé en faveur de l’introduction d’un salaire minimum fixé à 23,90 francs de l’heure sur tout le territoire de la ville. Il a approuvé un contre-projet à une initiative communale émanant des milieux syndicaux.
Ce diktat pénalise les entreprises sises sur le territoire de la ville de Zurich: un socle d’entrée plus élevé pousse à la hausse tous les salaires dans une entreprise, ce qui est susceptible de mettre en péril leur compétitivité.
Autre effet pervers: des salaires minimums au niveau communal pourraient aboutir à un véritable patchwork, qui viendrait s’ajouter à la cacophonie cantonale. Un cauchemar bureaucratique pour les nombreux employeurs dont les activités dépassent le cadre local.
Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agéfi».