Mesures d’accompagnement: des critiques infondées

5 mars 2018 Revue de presse

Les mesures d’accompagnement sont sur la sellette. Une fois n’est pas coutume, la critique n’émane pas des syndicats, réclamant une protection accrue des salariés, mais de l’UDC. Dans un papier de position présenté à fin janvier, cette dernière s’insurge contre le dispositif introduit en 2004, dont l’application nécessiterait une surveillance étatique toujours plus intrusive, car susceptible de détruire notre marché du travail libéral.

Si de prime abord la croisade de l’UDC contre la main lourde de l’Etat doit être saluée, il est difficile, en revanche, de passer sous silence la contradiction inhérente à sa posture polémique. Quelle cohérence en effet entre cette charge contre les prétendues lourdeurs bureaucratiques des mesures d’accompagnement et l’exigence, formulée dans le même papier de position, d’un «Retour au système, qui a fait ses preuves avec des contingents et des plafonds, que la Suisse appliquait dans tout le pays jusqu’en 2001»?

Arc-boutée sur son opposition viscérale à la libre circulation des personnes, l’UDC semble avoir perdu le sens des réalités. Spécialistes en ressources humaines, chefs d’entreprises, responsables patronaux, tous s’accordent à dire que le régime des contingents est un enfer bureaucratique, où l’autonomie décisionnelle de l’entrepreneur se heurte à l’arbitraire du plafonnement. Dans ce système planifié, l’obtention des précieux contingents se transforme en foire d’empoigne. Et à ce jeu-là, les PME sont toujours perdantes.

Les mesures d’accompagnement sont-elles un poison pour notre marché du travail libéral? A en croire les classements internationaux sur la compétitivité et la liberté économique, il n’en est rien. Depuis plusieurs années, la Suisse occupe les premières places et son marché du travail est cité en exemple.

N’en déplaise à l’UDC, les mesures d’accompagnement reposent sur un agencement institutionnel souple, où les représentants des employeurs siégeant dans les commissions tripartites cantonales et fédérale jouent les premiers rôles. Cette souplesse caractérise également les inspections qui sont plus nombreuses dans les zones frontalières et ciblées sur les secteurs à risque.

Au fil des années, le système en vigueur a certes été renforcé là où des lacunes avaient constatées, notamment en matière de lutte contre la fausse indépendance, sans toutefois porter atteinte à la flexibilité du marché du travail. La ligne rouge n’a pas été franchie. Le renforcement du cadre réglementaire prôné par les syndicats s’est régulièrement heurté à une fin de non-recevoir. Quatorze ans après leur mise en œuvre, les mesures d’accompagnement reposent toujours sur une seule et même base légale: la loi sur les travailleurs détachés.

Comme le montrent plusieurs études et rapport officiels, les mesures d’accompagnement ont fait leurs preuves contre la sous-enchère salariale liée à la libre circulation des personnes. Dit autrement, en luttant efficacement contre les abus, ces mesures contribuent à assurer le maintien de conditions de concurrence équitables sur le marché du travail, principe cardinal du libéralisme économique.

La mise en œuvre des mesures d’accompagnement peut certes être encore optimisée, mais le dispositif en vigueur garde sa raison d’être même dans la perspective de l’introduction de la préférence indigène, prévue le 1er juillet prochain. La prospérité de la Suisse, qui gagne un franc sur trois par ses échanges avec l’UE, dépend dans une large mesure de la poursuite de la voie bilatérale et de l’ouverture de son marché du travail qui est indissociable d’un dispositif efficace protégeant les entreprises contre la concurrence déloyale.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».