En Suisse, une annonce d’offre d’emploi reste en ligne un peu plus de six semaines en moyenne. C’est ce qui ressort d’une analyse menée par le Centre de recherches conjoncturelles (KOF) et le consultant BSS (en allemand uniquement) pour le compte de l’Union patronale suisse (UPS). L’analyse a examiné la durée de vacance des offres d’emploi sur le marché en ligne de l’emploi en Suisse. La durée de vacance décrit le temps écoulé entre la mise en ligne et la suppression d’une annonce sur une plateforme d’emploi et correspond par conséquent à la durée pendant laquelle un poste reste vacant. Près de 3,1 millions d’annonces d’offres d’emploi en ligne ont été analysées à cet effet entre 2018 et 2021.
Cette étude est partie de l’hypothèse que, dans les secteurs où les offres d’emploi sont nombreuses, il y a relativement peu de demandeurs d’emploi qui conviennent et que, par déduction inverse, cela reflète la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. L’analyse a été effectuée pour l’économie en général et trois branches sous observation choisies, à savoir la construction, la santé et l’informatique. L’examen de l’économie en général vise à déterminer quelles sont les branches, professions et régions confrontées aux plus longues durées de vacance et par conséquent à la plus forte pénurie de main-d’œuvre qualifiée, mais aussi les caractéristiques des postes à pourvoir qui prolongent la vacance.
Perte de valeur ajoutée à cause des longues durées de vacance
L’analyse des durées de vacance permet d’estimer la perte de valeur ajoutée pour l’économie en général sur la base des heures de travail productives qui manquent. Seuls les postes qui sont restés vacants pendant une durée excessivement longue, donc plus longtemps qu’une durée moyenne prédéfinie, ont été pris en considération à cet effet. La perte de valeur ajoutée subie par l’économie en général peut atteindre 0,66 pour cent du produit intérieur brut, ce qui représente près de cinq milliards de francs. «Ces emplois vacants pendant une durée supérieure à la moyenne coûtent chaque année une fortune à l’économie publique suisse. La classe politique, en particulier, doit être consciente de ce montant quand elle discute d’enveloppes financières pour des mesures visant à promouvoir une meilleure exploitation du potentiel de main-d’œuvre indigène», souligne Simon Wey, chef-économiste de l’UPS, qui est responsable de cette étude du côté patronal.
Variations considérables entre les différentes branches et professions
La durée de vacance varie fortement, non seulement d’un emploi à l’autre, mais aussi d’une branche à l’autre. Ce sont les offres d’emploi dans les branches « Architecture et planification », « Bois et papier » ainsi que dans le secteur de la construction qui sont publiées le plus longtemps. A priori, c’est donc là que le manque de personnel qualifié est aussi le plus fort. Parmi les branches fortement impactées par la pénurie de main-d’œuvre, il y a les «techniques environnementales», «l’approvisionnement en eau», «l’informatique» et les diverses branches de l’industrie MEM.
Figure 1: Durée de vacance par branche économique. Le nombre respectif d’offres d’emploi par branche ne ressort pas de l’étude. Source : BSS Volkswirtschaftliche Beratung AG
Comme l’indiquent BSS et le KOF dans leur rapport final, c’est dans les professions techniques de l’industrie et de la construction que le manque de personnel qualifié est le plus criant. En comparant les différents champs professionnels, on observe que la demande de personnel qualifié est la plus forte dans la construction et le second-œuvre, les professions de montage ainsi que pour les spécialistes en électricité et en électronique. Simon Wey, chef économiste, explique : «Ces enseignements provenant des branches démontrent qu’on souffre précisément d’un fort manque de personnel spécialisé face aux défis à venir de la transition énergétique, du numérique et de l’automatisation. Beaucoup de monde n’en a pas encore pris conscience et d’importants projets d’avenir de la Suisse s’en trouvent freinés».
Le rapport démontre également que, dans la construction, c’est pour les installatrices et installateurs chauffagistes, les charpentiers et les dessinatrices/dessinateurs techniques que la durée de vacance moyenne est la plus longue. Dans le secteur de la santé on manque de médecins, de techniciennes et techniciens de santé ainsi que de soignant-e-s. Dans la branche informatique, la recherche d’électriciennes et électriciens du bâtiment, de développeuses/développeurs de logiciels et de spécialistes réseau est particulièrement longue.
Figure 2 : Professions où la durée de vacance est la plus longue et la plus courte, économie en général. Source : BSS Volkswirtschaftliche Beratung AG
La pénurie de main-d’œuvre qualifiée varie en fonction des régions
C’est en Suisse romande et plus particulièrement dans les cantons de Genève et de Vaud que les postes sont les plus rapidement pourvus. A l’échelle nationale c’est en Suisse centrale et orientale ainsi que dans le canton d’Argovie qu’il faut le plus de temps. On constate également que cet aspect est autant valable pour l’économie en général que pour les branches sous observation définies au préalable : la construction, la santé et l’informatique.
Figure 3 : Durée de vacance moyenne par canton, économie en général. Source : BSS Volkswirtschaftliche Beratung AG
Exemple de lecture : Dans le canton de Glaris, la durée moyenne de vacance est de 50 jours. Remarques : L’attribution des annonces aux cantons est basée sur le lieu de travail indiquée dans l’annonce d’offre d’emploi, Toutes les annonces dont la date de publication se situe entre 2018 et 2021. Source : x28, nos propres calculs.
Conclusion
Avec cette nouvelle approche innovante qui consiste à analyser la durée de vacance des profils d’emplois de manière plus nuancée que par le passé, nous avons fait d’importantes découvertes susceptibles de contribuer à la diminution de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. On y trouve aussi un guide indiquant la voie aux entreprises pour pourvoir plus rapidement leurs postes à l’avenir. « Voici un exemple fictif qui résume avec pertinence les résultats de l’étude : un employeur (PME) qui a publié une offre pour un emploi à plein temps d’installateur chauffagiste à St. Gallen et qui exige en même temps l’acceptation de se déplacer, des connaissances en anglais ainsi qu’un esprit d’innovation doit s’attendre à une durée de vacance prolongée », explique Simon Wey.
