«Il faut une plus grande autonomie dans le travail»

28 décembre 2018 Revue de presse

La droite veut flexibiliser le temps de travail. Pour les syndicats, c’est une «dérégulation» qui accroîtra le stress des employés. Pour le responsable patronal Marco Taddei en revanche, il s’agit de s’adapter à la réalité du monde professionnel.

En 2015, les partenaires sociaux ont convenu d’un compromis. Pourquoi le remettre si vite en question?
Dans la pratique, les nouvelles modalités d’enregistrement de la durée du travail se sont révélées difficilement applicables. L’exemption de la saisie du temps de travail est soumise à des conditions strictes: elle doit être prévue par une CCT et ne concerne que les revenus supérieurs à 120’000 francs par an. Ces deux exigences sont sources d’inégalité de traitement: tous les secteurs économiques ne sont pas dotés d’une CCT; le seuil de 120’000 francs est trop élevé pour le personnel dirigeant des branches à faible valeur ajoutée.

La proposition d’annualiser le temps de travail n’est-elle pas la porte ouverte à des semaines de 50 à 70 heures?
Absolument pas! L’initiative parlementaire de Konrad Graber propose d’annualiser le temps de travail dans le secteur des services, de manière à laisser plus de place à la formation et au développement personnel. Elle ne concerne que les travailleurs qui occupent une fonction dirigeante et les spécialistes disposant de larges compétences décisionnelles. La limite supérieure du temps de travail hebdomadaire est ainsi supprimée, sans qu’il ne soit toutefois touché, en moyenne annuelle, à l’horaire maximal hebdomadaire, qui reste de 45 heures. Les heures dépassant le nombre d’heures annuel calculé sur une moyenne de 45 heures par semaine sont limitées à 170 heures à la fin de l’année, et compensées, soit en argent (+25%), soit en temps. Autrement dit, l’objectif de ce projet n’est donc pas d’augmenter le temps de travail et la pression sur les travailleurs, mais bien au contraire de donner davantage de marge de manœuvre aux travailleurs disposant d’une grande autonomie dans leur travail.

Renoncez-vous à la saisie du temps de travail?
Loin de constituer une révolution, les modifications proposées permettent de s’adapter à l’ère du temps. Le projet mis en consultation prévoit que seuls les travailleurs exerçant une fonction dirigeante et les spécialistes qui ont de larges compétences décisionnelles dans l’organisation de leur travail soient libérés de l’obligation de saisir leur temps de travail. Seule une minorité de salariés, soit environ 20%, bénéficierait de cet assouplissement. Pour tous les autres, l’obligation demeure.

N’est-ce pas une flexibilisation unilatérale qui aboutira à la multiplication des burn-out d’employés dans les entreprises?
Non, puisque seule une minorité des salariés est concernée par les deux projets mis en consultation. Aucun de ces deux projets ne conduit à un démantèlement de la protection des travailleurs. Selon une récente étude de l’Université de Bâle, aucun lien de causalité ne peut être établi entre le renoncement à la saisie du temps de travail et des troubles de la santé. Par ailleurs, celle-ci faire apparaître qu’un haut niveau d’autonomie en matière de temps de travail améliore à la fois la performance personnelle des salariés et les résultats de l’entreprise.

Les employeurs songent beaucoup à flexibiliser le travail. Ne négligent-ils pas la formation continue des employés, notamment des plus âgés?
Les employeurs ne négligent pas la formation continue de leurs employés. Force est de constater que la formation initiale – professionnelle et académique – ne semble plus être adaptée pour répondre aux besoins changeants du monde du travail, qui requiert des compétences sans cesse renouvelées. Dans ce contexte mouvant, la formation continue devient une priorité et un facteur de succès des entreprises. Les employeurs l’ont bien compris: deux tiers des entreprises en Suisse offrent à l’heure actuelle des formations à leurs employés, tous âges confondus. Il importe également de rappeler que l’encouragement du perfectionnement professionnel figure parmi les axes prioritaires de la Conférence nationale sur le thème des travailleurs âgés, à laquelle participe également l’Union patronale suisse.

L’interview avec Marco Taddei est paru dans «le temps».