L’essor du temps partiel: un bien ou un mal?

Le travail à temps partiel fait débat. Depuis quelques jours, les journaux alémaniques regorgent d’articles mettant en exergue les avantages et inconvénients de cette forme de travail. Pour les uns, le temps partiel (c’est-à-dire le travail à moins de 90%) favoriserait le quasi plein-emploi que connaît actuellement la Suisse. Pour les autres, il aggraverait la pénurie de main-d’œuvre qui pèse sur les entreprises. Deux visions différentes d’une même réalité.

Si la Suisse bénéficie de l’un des taux de participation au marché du travail les plus élevés en Europe (ces dix dernières années le nombre d’actifs est passé de 4,298 à 4,684 millions), elle le doit en grande partie à l’essor du temps partiel tant chez les femmes que chez les hommes. Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), cette forme de travail a progressé trois fois plus que l’emploi à temps plein (+14,7% contre +4,4%), de 2012 à 2022. Aujourd’hui, plus d’un tiers des actifs opte désormais pour un temps partiel.

Une progression qui s’explique par les atouts des emplois à taux réduit, qui offrirait une flexibilité accrue et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et privée. Sans oublier que nombre d’actifs ne travailleraient pas s’il n’y avait pas d’offres d’emploi à temps partiel.

Le temps partiel involontaire concernait quelque 372.000 travailleurs en 2020, parmi lesquels près de la moitié seraient prêts à travailler à temps plein.

La montée en puissance du temps partiel contribue-t-elle à renforcer la pénurie de personnel qui fait rage en Suisse? Pour répondre à cette question, une approche nuancée s’impose, en opérant une distinction entre le temps partiel choisi et le temps partiel subi.

Dans le cas du travail à temps partiel sur une base volontaire, les personnes ne travaillent pas davantage car elles sont prêtes à renoncer à une partie de salaire pour profiter de plus de temps libre. Un arbitrage qui dépend des préférences de chaque individu.

Il en va autrement du temps partiel involontaire. Dans ce cas, on parle de sous-emploi. Selon l’OFS, il concernait quelque 372.000 travailleurs en 2020, parmi lesquels près de la moitié (109.000 femmes et 62.000 hommes) seraient prêts à travailler à temps plein si les conditions cadre étaient plus favorables.

Un phénomène qui amplifie la pénurie de main-d’œuvre, en raison de la diminution des heures de travail effectivement fournies et qui risque, à terme, de pénaliser l’ensemble de l’économie.

Il faut donc faire en sorte que les actifs en sous-emploi augmentent leur temps d’occupation. Pour y parvenir, des mesures incitatives doivent être mises en place. Et ce d’autant plus que les mini-emplois constituent souvent un frein à l’évolution professionnelle et salariale et ne donnent pas accès aux cotisations LPP.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agéfi».