Un compromis pour sauver nos retraites

22 janvier 2020 Opinions

Les Suisses sont inquiets pour leur retraite. Le dernier Baromètre des préoccupations du Credit Suisse révèle que la prévoyance vieillesse demeure le souci numéro un des Suisses. Des craintes légitimes, car notre système de prévoyance des trois piliers vacille sous les effets conjugués de l’allongement de l’espérance de vie et de la faiblesse des rendements sur les marchés financiers. Ces inquiétudes sont prises très au sérieux par les employeurs. Pour preuve: en juillet dernier, l’Union patronale suisse, de concert avec l’Union syndicale suisse et Travail. Suisse, a présenté un modèle en vue de pérenniser le deuxième pilier, mieux connu sous le nom de «compromis des partenaires sociaux pour la réforme LPP».

Les organisations faîtières patronales et syndicales avaient été appelées à la rescousse par le conseiller fédéral Alain Berset après l’échec de la réforme Prévoyance vieillesse 2020 (PV 2020) dans les urnes. Sage décision. La prévoyance professionnelle est en effet un champ traditionnel de négociation collective et cette approche a déjà été couronnée de succès lors de la dernière révision de la loi sur l’assurance accidents. Réformer ce qu’il faut, conserver ce qui vaut: centré sur les points essentiels, le compromis modernise, renforce et simplifie les institutions de prévoyance. A la différence de la PV 2020, il ne mélange pas l’AVS et la LPP.

La mesure phare du compromis est incontestablement l’abaissement de 6,8 à 6,o% en une seule étape du taux de conversion minimal dès l’entrée en vigueur de la révision, ce qui diminuera massivement, à hauteur de milliards, le volume actuel de la redistribution qui s’effectue entre les jeunes et les seniors au profit de ces derniers. En dépit de cette réduction, le niveau des rentes actuel sera maintenu grâce à une savante combinaison de mesures touchant aussi bien les cotisations que les prestations. Ainsi un assuré de 54 ans avec un revenu annuel brut de 6o 000 francs, par exemple, percevra au moment de prendre sa retraite la même rente LPP que s’il la prenait aujourd’hui.

Les femmes et les seniors figurent parmi les principaux bénéficiaires de ce modèle. La déduction de coordination, qui détermine le salaire assuré, sera réduite de moitié. Conséquence: les emplois à temps partiel – où les femmes sont majoritaires – profiteront d’une meilleure couverture dans la LPP. Autre bienfait du compromis: le lissage des bonifications de vieillesse en fonction de l’âge, qui permet non seulement de simplifier le système mais aussi d’améliorer l’employabilité des travailleurs âgés puisque leur taux de cotisation passera de 18 à 14%.

Les futurs retraités recevront un supplément de rente sous forme d’un montant fixe, financé de manière solidaire. Ce coup de pouce financier vise à maintenir le niveau des rentes de la génération transitoire sur une période de quinze ans et d’améliorer la situation des rentiers à faible revenu. Les employeurs ont accepté ce supplément, à une condition toutefois: dès la 16e année, le montant de cette aide doit être fixé par le Conseil fédéral en accord avec les partenaires sociaux.

Le coût de ce compromis correspond à une hausse de 0,9 point des cotisations salariales (répartie pour moitié entre les employeurs et les salariés). C’est le prix à payer pour tout à la fois maintenir le niveau des rentes et consolider la prévoyance professionnelle. Les parties signataires du compromis s’accordent à dire qu’il n’existe pas de meilleure solution pour atteindre cet équilibre vertueux.

Le Conseil fédéral l’a bien compris. Son projet de réforme de la prévoyance professionnelle, qui vient d’être mis en consultation, s’appuie sur le modèle des partenaires sociaux. Mais l’heure de vérité sonnera en 2020, lors des débats aux Chambres fédérales. Pour assurer un avenir à nos retraites, les employeurs attendent du nouveau parlement qu’il mette en oeuvre la réforme LPP au plus vite selon la solution équilibrée élaborée avec les syndicats.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «Le Temps».