Partir à la retraite trop tôt affaiblit le système de prévoyance

7 novembre 2023 Opinions

Une étude actuelle de la société de consulting Mercer révèle que la Suisse ne figure pas parmi les meilleurs dans la comparaison internationale des systèmes de retraite sous l’angle de leur durabilité. C'est avant tout à cause du faible âge de départ. L’initiative pour les rentes, à la fois judicieuse et astucieuse, pourrait stabiliser l’AVS pendant des décennies. Elle mérite d’être acceptée.

Même si nous rechignons à l’admettre publiquement, nous sommes fiers des acquis du pays en Suisse. Cette fierté est légitime, ne serait-ce qu’au sujet de la démocratie directe, du système de formation dual, mais aussi des valeurs de ponctualité et de fiabilité. Le système de prévoyance suisse a lui aussi longtemps joui d’une excellente réputation mais le récent rapport Global Pension Index 2023 révèle qu’il n’est plus en mesure de jouer les premiers rôles depuis bien longtemps. Dans la comparaison des systèmes de retraite sous l’angle de leur durabilité, il est relégué à la onzième place sur 47 pays.

Dans les pays dont les systèmes de prévoyance sont plus durable, les gens partent à la retraite plus tard.

La principale raison, c’est qu’on part à la retraite à 65 ans en Suisse, soit bien plus tôt que chez les premiers du classement. Les réformes en la matière sont difficiles en Suisse même si le relèvement de l’âge de la retraite des femmes a été récemment voté dans le cadre de la réforme «AVS21». A deux exceptions près, l’âge de la retraite de tous les pays du top ten[1] est plus élevé qu’en Suisse. Là où ce n’est pas encore le cas, le relèvement de l’âge de référence a déjà été décidé.

Ce mauvais classement de la Suisse en termes de durabilité du système de prévoyance n’a rien de surprenant. Cela fait quelques temps déjà que la pérennité financière de l’Assurance-vieillesse et survivants (AVS) est fragilisée. L’acceptation de la réforme AVS21 a certes permis de désamorcer la situation financière à court terme mais nous n’aurons pas le temps de souffler. Cette importante œuvre sociale redeviendra déficitaire dès 2030.

Le bouleversement financier que subit l’AVS est causé avant tout par l’évolution démographique qui s’amplifie et se télescope avec la vague croissante des départs à la retraite de la génération du baby-boom. Aujourd’hui, les citoyennes et citoyens suisses vivent nettement plus longtemps que par le passé. En outre, nettement plus de main-d’œuvre sort du marché du travail qu’il n’en arrive.

Les œuvres sociales doivent être réformées par rapport à la nouvelle situation

Les œuvres sociales telles que l’AVS ont besoin d’être adaptées aux nouvelles conditions. Tout le monde sait désormais en Suisse qu’on n’échappera pas au relèvement de l’âge de la retraite pour pérenniser le financement de l’AVS. Nous n’avons que trop tardé à franchir le pas face à l’évolution démographique dans le premier piller.

«Tout le monde le sait» mais rien ne bouge pourtant. Le passé récent nous apprend combien la population suisse rechigne à relever l’âge de la retraite. Ces vingt dernières années, pas moins de trois projets de cet ordre ont échoué devant le peuple ou au Parlement. La prochaine tentative se jouera en mars: la judicieuse et logique initiative sur les rentes des Jeunes Libéraux-Radicaux nous offre une issue à cette impasse politique.

La solution: corréler l’âge de départ en retraite à l’espérance de vie

La réforme prévoit un nouveau mécanisme que d’autres pays tels que le Danemark, la Finlande ou les Pays-Bas connaissent déjà ainsi ou sous une forme similaire. Après avoir un relèvement unique de l’âge de la retraite à 66 ans, celui-ci serait automatiquement corrélé à l’évolution de l’espérance de vie. Grâce à ce mécanisme, non seulement l’AVS, mais aussi l’ensemble de la prévoyance vieillesse pourrait suivre en continu le rythme de l’évolution démographique, ce qui favoriserait considérablement une solution de financement durablement saine.

Une étude de l’UBS a démontré que l’initiative sur les rentes permettrait de stabiliser le premier pilier pendant des décennies. En votant oui le 3 mars 2024, le peuple se rendra un double service: mettre un terme pour de bon aux discussions récurrentes sur le relèvement de l’âge de la retraite et donner au système de prévoyance suisse la chance de redevenir l’un des meilleurs du monde.

 

[1]Pays-Bas, Islande, Danemark, Israël, Australie, Finlande, Singapour, Norvège, Suède, Royaume-Uni.