«D’une manière générale, on n’observe aucun facteur poussant systématiquement les actifs âgés vers une préretraite involontaire»

20 décembre 2021 5 questions à...

La plupart des personnes actives de plus de 55 ans n’en redoutent pas moins les conséquences d'une perte d'emploi. C'est ce que montre une étude récente de l'assurance Swiss Life. Son auteur, Andreas Christen, explique ce que les employeurs peuvent faire pour apaiser cette crainte.

Andreas Christen, Studienleiter Swiss Life

Andreas Christen, auteur de l’étude

Votre étude signale que les travailleurs âgés sont mieux intégrés sur le marché du travail suisse qu’il y a dix ans. Selon vous, quelles en sont les raisons?

L’augmentation de la participation des femmes au marché du travail dans ce groupe d’âge est un facteur important. Le taux d’emploi des femmes a particulièrement augmenté, pour des raisons qui tiennent surtout au changement d’image des rôles respectifs. Mais le taux d’emploi des hommes a lui aussi légèrement progressé, surtout à partir de 60 ans, ce qui s’explique sans doute en partie par la baisse du taux de retraite anticipée. L’augmentation du taux d’emploi est probablement un symptôme du vieillissement démographique de la population active. Les entreprises comptant une forte proportion de plus de 55 ans dans leurs effectifs sont aussi celles qui, plus souvent que les autres, recrutent des «seniors». En comparaison internationale, on constate que plus une économie vieillit, plus la participation au marché du travail des plus de 55 ans est élevée.

Au total, selon vos estimations, environ 6 à 7 pour cent de la population quittent involontairement la vie active entre 55 ans et l’âge ordinaire de la retraite, faute d’une demande de travail. Ces chiffres vous surprennent-ils?

Comme nous avons déjà publié une étude sur ce thème en avril, nous nous doutions que cette proportion ne pouvait pas être très élevée. Il est vrai qu’à voir ces chiffres, on ne peut pas dire que les travailleurs âgés soient systématiquement poussés vers une préretraite involontaire. En même temps, la proportion est tout de même plus forte que la référence habituelle au taux de chômage plus faible caractérisant les travailleurs à partir de 55 ans. Elle semble en tout cas suffisamment élevée pour que la plupart des actifs âgés de 55 ans et davantage craignent les conséquences d’une perte d’emploi.

Nombreux sont les travailleurs qui souhaitent travailler au-delà de l’âge de la retraite. De quoi aurait-on concrètement besoin, chez les employeurs, pour tenir compte de ce besoin?

Ce qui pourrait déjà aider est une meilleure prise de conscience de la part d’un plus grand nombre d’entreprises du fait que beaucoup de leurs collaborateurs souhaitent peut-être travailler au-delà de l’âge ordinaire de la retraite. La plupart des responsables du personnel interrogés pensent en effet que leurs travailleurs, d’une manière générale, ne souhaitent pas travailler plus longtemps. Comme le montre également notre enquête auprès des actifs de plus de 55 ans, ceux-ci demandent aussi de la reconnaissance et de l’appréciation, ainsi qu’une bonne ambiance de travail. De même, la possibilité de réduire la charge de travail au sens large est souvent plus importante que les incitations financières. Près de la moitié des plus de 55 ans citent cette condition pour continuer à travailler après 64/65 ans. La possibilité de réduire le taux d’occupation en fait donc partie. Cela dit, certains actifs se laissent également convaincre par des incitations financières, comme une future rente plus élevée.

Vous voyez un lien entre les nouvelles prestations transitoires et l’acceptation du relèvement de l’âge de la retraite. Comment se présente-t-il exactement?

Près de 60 pour cent des actifs de 55 à 64 ans interrogés se disent plutôt ou clairement opposés à un relèvement général de l’âge de la retraite. Mais près de la moitié de cette majorité signale aussi qu’avec l’introduction des prestations transitoires, elle accepterait plus volontiers une augmentation de l’âge de la retraite. Maintenant que les prestations transitoires sont en vigueur, cela ne signifie certainement pas que tout le monde applaudit tout-à-coup à l’élévation de l’âge de la retraite. Les résultats de notre enquête montrent néanmoins qu’une protection supplémentaire contre les conséquences d’un chômage à partir de 55 ans peut fort bien avoir un rôle positif dans le débat sur l’âge de la retraite.

Quel est, d’après vous, le principal enseignement de votre étude pour les employeurs suisses?

Je pense que beaucoup de choses vont déjà dans le bon sens. Nombre d’associations de branches, par exemple, ont mis sur pied des programmes qui traitent ce problème. Et l’on voit dans tous les secteurs des entreprises qui cherchent activement à recruter des collaborateurs âgés. Malgré cela, l’étude montre que de nombreuses entreprises se plaignant aujourd’hui d’une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, mais ne font pratiquement rien pour garder plus longtemps chez elles leurs travailleurs âgés. Certaines sous-estiment en outre les changements à venir sur le marché du travail. notamment le fait que la pénurie de main-d’œuvre qualifiée devrait continuer de s’aggraver pour des raisons démographiques et qu’elle ne touchera pas seulement les entreprises directement confrontées aux départs à la retraite. D’une manière générale, la nécessité de maintenir plus longtemps les travailleurs âgés dans le circuit du travail va se renforcer.