Trop se focaliser sur les travailleurs âgés fausse la vue d’ensemble

2 septembre 2021 Nouvelles

Un regard sur l'évolution des chiffres du chômage pendant les crises économiques montre que la sensibilité des différents groupes d'âge au phénomène suit un schéma familier: les travailleurs âgés sont moins touchés par les pertes d'emploi au début d'une crise que les jeunes, mais ont un peu plus de mal à reprendre pied sur le marché du travail lorsque l'économie se redresse. Il serait souhaitable de débattre de la manière dont des travailleurs d'âges différents peuvent coexister harmonieusement dans les entreprises, pour le profit de toutes et tous.

Bien que la cause de la crise économique liée au Covid-19 diffère de celle des crises économiques précédentes, il apparait clairement que l’évolution du chômage par groupe d’âge suit un schéma commun (cf. figures 1 et 2). Les chômeurs relativement âgés ont plus de difficultés à réintégrer le marché du travail, mais au début des crises économiques, ils perdent aussi leur emploi moins souvent et plus tard que les groupes d’âge plus jeunes. Le point positif est que tous les groupes d’âge peuvent tirer profit de la reprise économique actuelle.

L’évolution du nombre de chômeurs dans les différents groupes d’âge est illustrée par les figures 1 et 2, qui mettent en parallèle la variation mensuelle du nombre de chômeurs par rapport au même mois de l’année précédente pour les différents groupes d’âge lors de la pandémie de Covid-19 et pendant la crise financière. Ils montrent que le risque de perdre son emploi au début d’une crise est d’autant plus faible que l’on est âgé. Le tableau inverse se présente après la crise, lors des phases de reprise économique. Les chômeurs des groupes d’âge plus jeunes retrouvent alors plus facilement et plus rapidement le chemin du marché du travail que les travailleurs plus âgés. Ce qui frappe dans les deux chiffres, c’est l’évolution des chiffres du chômage des personnes âgées de 60 à 64 ans. Le nombre de chômeurs dans ce groupe augmente modérément par rapport au mois de l’année précédente pendant la crise, tout au contraire des autres groupes d’âge.

 

 

Figure 1: Evolution comparée du nombre de chômeurs inscrits par groupe d’âge pendant la pandémie de coronavirus à partir de 2020 et pendant la crise financière à partir de 2007

 

Cette «règle» s’explique largement par le fait que les entreprises en crise s’efforcent avant tout de conserver dans leurs murs les employés possédant de nombreuses connaissances spécifiques à l’entreprise. Si des suppressions de postes sont inévitables, ce sont donc souvent les jeunes qui sont les premiers touchés, car ils ont un savoir plus général, moins spécifique, et ne travaillent pas depuis longtemps dans les maisons concernées. Dans un environnement de reprise économique, c’est le contraire qui se vérifie. De plus, les jeunes sont particulièrement intéressants pour les entreprises dans la mesure où ils viennent le plus souvent directement de l’enseignement et possèdent donc une culture générale étendue, sont familiarisés avec les dernières technologies et sont encore très flexibles pour évoluer dans une direction ou une autre. L’avantage des personnes d’un certain âge est moins pertinent lors du recrutement de nouveaux employés, bien qu’elles possèdent des connaissances spécifiques d’entreprises et une grande expérience, car la plupart des candidats potentiels doivent d’abord acquérir les savoirs spécifiques d’une nouvelle entreprise. Il n’en est pas moins vrai que beaucoup de travailleurs âgés bénéficient aussi du développement économique positif actuel. C’est d’ailleurs ce que confirme Edgar Spieler, responsable du marché du travail au Département du développement économique de Zurich: «Nous enregistrons une proportion considérable de demandeurs d’emploi âgés qui ne rencontrent pas ou seulement peu de problèmes sur le marché du travail».

Il existe donc bien des raisons purement rationnelles à la politique des entreprises en matière de réduction et d’accroissement des effectifs. L’explication selon laquelle elles discriminent délibérément les personnes âgées ou les licencient en raison de l’introduction des prestations transitoires n’est absolument pas défendable.

Indépendamment des évolutions observées pendant les crises, les statistiques confirment que les chômeurs âgés ont besoin en moyenne de plus de temps pour retrouver une place sur le marché du travail. La première priorité doit donc consister à favoriser la mobilité professionnelle des travailleurs dans les entreprises et à s’assurer ainsi qu’ils restent durablement sur ce marché. Les employeurs comme les employés en ont la responsabilité.

Aujourd’hui déjà, l’expérience de nombreuses entreprises montre qu’une gestion bien sentie a une influence positive non seulement sur les résultats, mais encore sur la satisfaction et la loyauté des travailleurs envers l’employeur. La diversité non seulement des sexes, mais aussi des origines et des groupes d’âge permet parfois de trouver des solutions plus judicieuses dans une entreprise, car des personnes aux expériences et aux vécus différents envisagent aussi les problèmes de façon différente. Et cela se traduit souvent par des résultats qui ne se présenteraient pas si les équipes étaient homogènes. Outre la gestion des générations, une planification de carrière régulière avec les employés est un autre élément essentiel. C’est de cette manière seulement que l’on peut identifier les évolutions négatives et les corriger au besoin.

Dans la société et dans les médias, le débat sur la question des travailleurs âgés va trop souvent dans le mauvais sens de nos jours. On entend beaucoup de lamentations sur le fait que les travailleurs âgés seraient discriminés en raison de leur âge. Il serait bien plus utile de débattre de la manière dont les diverses générations de travailleurs peuvent coexister harmonieusement sur le marché du travail et de se concentrer sur les moyens de préserver leur mobilité professionnelle. Après tout, les chiffres de la population active sur le marché du travail montrent clairement qu’à l’avenir, la question n’est pas de savoir si et combien de seniors sont actifs sur ce marché, mais plutôt comment les y maintenir le plus longtemps possible. L’évolution démographique ne laisse aucun doute quant à cette nécessité.

Il frappant de constater que la plupart des questions posées dans les médias concernent les employés âgés. En soi il n’y a rien de mal à cela, mais force est de se demander pourquoi l’accent est pareillement mis sur ce groupe d’âge. Par exemple, a-t-on entendu des hauts cris de la part des médias lorsqu’un nombre de jeunes gens supérieur à la moyenne se sont retrouvés au chômage au début de la pandémie de Covid-19? Centrer le débat sur la manière dont les travailleurs de tout âge peuvent faire valoir efficacement leurs compétences et leur expérience sur le lieu de travail serait beaucoup plus productif, pour le bien des employeurs comme des employés.