Pas de formation professionnelle efficace sans associations sectorielles fortes

11 août 2023 En point de mire

L’Union patronale suisse publie certains articles du rapport annuel récemment publié légèrement abrégés ou actualisés en tant que série d’été.

Pour garder son efficacité, le système suisse de formation doit pouvoir s’appuyer sur des associations sectorielles qui renforcent leur proximité avec leurs entreprises de façon ciblée et qui considèrent la formation comme une mission importante au sein de leurs structures associatives. Le rôle des organisations du monde de travail doit encore être renforcé tout en évitant les lois et prescriptions interdisciplinaires.

Formation professionnelle grâce au lien avec le marché du travail
Le système dual de formation professionnelle de la Suisse est un modèle de réussite à de multiples égard. Les qualifications des jeunes et les exigences du marché du travail se coordonnent bien parce que la formation s’opère en étroite coopération avec les secteurs et les entreprises ainsi que sur différents sites de formation. D’après la Haute école fédérale en formation professionnelle (HEFP), cette philosophie engendre un rapport coût-utilité positif, ce qui encourage les entreprises à former des jeunes. La transition entre la formation et l’activité professionnelle est en principe réussie parce que les associations sectorielles veillent à ce que les entreprises soient associées au développement des métiers. Sans leur engagement et leur proximité avec les entreprises, le système dual de formation suisse est voué à l’échec. Les interventions politiques, les subventions ou les lois et règlements, par contre, affaiblissent les associations sectorielles dans leur fonction et doivent par conséquent être limités au minimum.

La pandémie a démontré que l’étroite collaboration au sein du partenariat pour la formation et le maintien des processus existants ont bien fonctionné. Beaucoup ont été surpris de constater qu’aucune crise des places d’apprentissage n’est survenue pendant la crise économique alors que l’État n’est pratiquement pas intervenu sous la forme de mesures axées sur l’école. La formation professionnelle est en effet fortement enracinée dans les entreprises et les secteurs d’activité maintenant. Les entreprises ont fait le choix de former des apprenti-e-s malgré la crise, ce qui demande un grand courage.

La logique sectorielle de la formation professionnelle initiale se prolonge à l’échelon tertiaire et contribue clairement à la réussite. Elle est hélas souvent sous-estimée ou insuffisamment reconnue. Alors que diverses études démontrent que les diplômés en formation professionnelle supérieure sont très recherchés, les jeunes sont de moins en moins nombreux à choisir ce cursus. Ces spécialistes avec leurs compétences manqueront ensuite sur le marché du travail, ce qui non seulement porte préjudice à la société toute entière mais peut aussi entraîner une hausse du chômage (des jeunes). Les acteurs suisses de la formation ont en principe pris conscience de la nécessité de renforcer la formation professionnelle supérieure. La difficulté consiste à accroître la reconnaissance sociétale de la formation et à y être globalement plus attentifs. Des instruments appropriés ont été discutés entre les partenaires de la formation l’année dernière. Un train de mesures visant à renforcer la formation professionnelle supérieure sera présenté au prochain sommet fin 2023.

Préserver la recette à succès suisse
Il n’est pas simple de mieux faire connaître le système de formation professionnelle suisse à l’étranger et d’améliorer sa reconnaissance. Fortement liés à la pratique et leur orientation croissante de plus en plus axés sur les compétences, les diplômes fédéraux et les écoles supérieures ont d’autres visées que les systèmes internationaux qui fonctionnent surtout sur la base d’heures d’apprentissage classiques.

D’une part, de nombreux pays reconnaissent l’efficacité du système dual de formation suisse et cherchent à en savoir davantage. D’autre part, ce système est si particulier qu’ils ne comprennent pas pourquoi l’économie doit investir dans la formation professionnelle et contribuer ainsi à son financement. Dans leur logique, cela relève de la compétence de l’État. Politiquement, c’est la raison pour laquelle, de plus en plus de gens tendent à choisir la formation scolaire, même dans les pays limitrophes. Ces pays obtiennent peut-être de meilleurs résultats aux études PISA mais connaissent un chômage des jeunes beaucoup plus important qu’en Suisse parce que les qualifications de jeunes ne sont pas adaptées à la demande du marché du travail et que la transition vers le monde du travail ne se fait pas sur mesure.

Des tendances telles que la digitalisation ou la durabilité incitent la classe politique à initier des directives ou à introduire des règlements à l’échelle nationale. Or ces tendances ont déjà depuis longtemps été intégrés par le marché du travail et sont automatiquement prises en compte lors des révisions professionnelles. La tendance à l’apprentissage tout au long de la vie a par exemple suscité des appels à plus de formation générale. Malheureusement, ces appels sont à courte vue car qui dit davantage de formation scolaire dit report de cette formation vers l’école comme «site de formation», ce qui serait une évolution délétère pour les jeunes qui ont le sens de la pratique mais éprouvent des difficultés scolaires. Ces interventions bien intentionnées peuvent compromettre l’équilibre de la formation duale et perdent de vue que c’est justement grâce à la formation professionnelle que les jeunes apprennent le principe de l’apprentissage permanent sur le lieu de travail.

Des sujets importants tels que le diplôme professionnel pour adultes, la prise en compte des prestations de formation ainsi que l’introduction d’éventuels apprentissages diplômants, les préapprentissages d’intégration et les certificats de compétences sont proposés par le biais des associations sectorielles. Il est important de ne pas réglementer ces sujets de façon interdisciplinaire mais de les discuter et de les mettre en œuvre dans les secteurs eux-mêmes, pour respecter la diversité des métiers avant tout. Au niveau des partenaires de la formation, il est important d’afficher en toute transparence les attentes et les points de vue communs ainsi que de faciliter le processus de développement professionnel pour tous les acteurs par le biais de recommandations.

Les associations sectorielles et les entreprises doivent rester actives et motivées. Il leur appartient d’intégrer rapidement les besoins du marché du travail, de présenter clairement les avantages de la formation professionnelle initiale et supérieure pour convaincre ainsi les diplômés potentiels et les chargés de recrutement de qualité de la formation professionnelle initiale et continue. L’Union patronale suisse s’y engage sur le terrain stratégique et politique.