Regrettable amalgame entre projet fiscal et réforme des rentes

La Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats (CER) fait une proposition complémentaire au Projet fiscal 17, qu'elle voudrait enrichir d'un nouvel élément: une «compensation sociale» par le biais de l'AVS. Pour les employeurs, cet entremêlement de politique fiscale et de politique sociale est critiquable.

Pour éviter des pertes fiscales se chiffrant en milliards, la plus haute priorité de l’heure consiste à finaliser, jusqu’à cet automne, un projet fiscal reposant sur un large consensus interne et qui soit accepté sur le plan international. Seul un nouveau système fiscal apportera en effet aux entreprises la sécurité juridique nécessaire pour les encourager à investir en Suisse demain comme hier. Par sa décision unanime, la Commission du Conseil des Etats a largement tenu compte de cet impératif.

Les éléments fiscaux qu’elle retient rendent assurément possible une solution efficace et politiquement équilibrée. Toutefois, l’Union patronale suisse a toujours insisté pour qu’aucun élément hors sujet ne soit introduit dans le Projet fiscal 17. Ce principe est à présent transgressé avec l’adjonction qui vient d’être proposée en faveur de l’AVS. Un tel ajout n’améliore en rien l’efficacité de la solution fiscale, mais ne fait qu’ajouter à sa complexité et interfère avec le processus de réforme de la prévoyance vieillesse actuellement en cours. La mise en consultation du projet de réforme de l’AVS du Conseil fédéral est annoncée pour cet été. Pour les employeurs, un alourdissement des coûts salariaux annexes n’entre en considération que dans le cadre de la prochaine révision de la LPP.

Ce corps étranger de politique sociale dans un projet fiscal est également critiquable du point de vue de l’unité de la matière. Une des leçons qui a été retirées de la réforme Prévoyance vieillesse 2020 est que le peuple n’apprécie guère les projets qui mélangent des systèmes différents. L’exemple de la 6ème révision de l’AI montre bien le côté hasardeux d’une telle démarche. La première partie de cette 6ème révision comportait des mesures visant les recettes. Pour son second volet, le monde politique avait promis des mesures axées sur les dépenses. Mais le résultat fut décevant. Tandis que le peuple suisse acceptait le financement additionnel de l’AI par le biais d’une hausse temporaire de 0,4 point de la TVA, la seconde partie de la révision échouait au Parlement. Les employeurs craignent une répétition de ce scénario avec l’AVS, dès lors que les recettes supplémentaires proposées ne seront pas suivies de mesures structurelles. Sans compter que la proposition de majoration des charges salariales annexes renchérit la place industrielle et intellectuelle suisse.

Sur l’aspect purement fiscal du projet, une grande majorité de la commission s’est ralliée aux recommandations du Conseil fédéral. L’Union patronale suisse peut en principe se rallier à sa position, bien qu’elle considère certaines mesures retenues d’un œil critique, concernant notamment l’adaptation du principe de l’apport de capital et l’imposition des dividendes sur le plan fédéral et cantonal.

L’Union patronale suisse inclura ces considérations politiques dans son évaluation du projet. En attendant, l’économie réaffirme qu’il ne faut par le surcharger si l’on veut qu’il ait une chance de réunir une majorité de suffrages. Personne n’a intérêt à un nouvel échec de la plus importante réforme fiscale qui nous est proposée depuis des décennies. Le coût en serait tout simplement insupportable pour le pays.

Renseignements

  • Roland A. Müller, Directeur de l’Union patronale suisse, Tél. 079 220 52 29,  mueller@arbeitgeber.ch
  • Valentin Vogt, Président de l’Union patronale suisse, Tél. 079 634 12 10, vogt@arbeitgeber.ch