La réforme de la prévoyance vieillesse est actuellement l’un de nos grands chantiers de politique intérieure. Pour quelles raisons précises?
Il s’agit d’abord d’assurer durablement le financement de la prévoyance vieillesse. La Suisse ne cesse de vieillir, aussi devons-nous mettre notre système de prévoyance en mesure de résister aux effets de l’évolution démographique. Ensuite, la prévoyance-vieillesse exerce une importante fonction sociale en empêchant les seniors de tomber dans la pauvreté. Pour garantir le niveau actuel des rentes, nous avons donc besoin d’une réforme supportable pour l’économie comme pour l’ensemble du corps social.
Voilà que le Conseil des Etats veut augmenter les rentes AVS, à savoir de 70 francs par mois pour les nouveaux retraités. En quoi cette extension de prestations vous paraît-elle problématique?
D’abord, parce qu’elle n’est pas financée. Le Conseil des Etats creuse ainsi le trou financier de l’AVS de 1,4 milliard de francs par an vers 2030. De plus, le vieillissement démographique nous annonce ultérieurement une dynamique malsaine: ce développement de prestations coûtera ensuite 2,1 milliards par an dès 2035. Deuxième problème: l’augmentation des rentes s’effectue par saupoudrage, de manière non ciblée. Les hauts et moyens salaires n’en auront pas besoin – alors que pour les bas revenus, elle équivaudra à un jeu à somme nulle puisque les prestations complémentaires seront amputées d’autant. Ajoutons à cela que le développement des prestations de l’AVS fossilise l’âge actuel du droit à la rente. Or, la solution judicieuse aurait été un relèvement de l’âge de la retraite.
Pourquoi la majoration des prestations AVS est-elle tout spécialement un problème pour l’économie?
Pour financer cette extension, on alourdit de 0,3 point la ponction salariale, ce qui renchérit le facteur travail. Pour la Suisse, pays à hauts salaires, c’est une évolution dangereuse. De plus, comme les entreprises se rendent compte que ce développement de prestations n’est pas une bonne solution à long terme et qu’elle entraînera des coûts supplémentaires sous la forme de charges salariales annexes ou d’un relèvement de la TVA, elles auront tendance à réduire leurs investissements. Ce qui, à son tour, aura des répercussions sur l’économie nationale. Bref, le manque de clarté concernant le financement de l’extension des rentes est une source d’insécurité – laquelle est un poison pour l’économie.
Vous dites que l’augmentation des rentes n’est pas avantageuse pour les bénéficiaires de prestations complémentaires. Pourquoi exactement?
Cette extension rate sa cible, puisque les personnes à faibles revenus verront leurs prestations complémentaires raccourcies de 70 francs. Au bout du compte, elles toucheront même moins qu’auparavant, car la rente additionnelle est imposable, contrairement aux prestations complémentaires. Quant à tous ceux, les moyens et hauts revenus, qui n’ont pas besoin d’un appoint de 70 francs, ils en bénéficieront quand même. Cette majoration de rentes correspond donc à une redistribution du bas vers le haut. C’est complètement absurde.
Comment se présente à vos yeux la réforme à venir de la prévoyance vieillesse? Autrement dit: que faut-il faire pour préserver le niveau actuel de nos rentes?
Nous devons adapter l’âge de la retraite à l’allongement de l’espérance de vie et le faire passer à 67 ans. Parallèlement, bien sûr, il faut dégager des recettes supplémentaires – grâce à un relèvement des ponctions de salaires ou de la TVA. Il est important que nous visions cette symétrie des sacrifices afin d’obtenir une solution acceptable pour l’économie comme pour la société. Enfin, l’AVS doit être équipée d’un frein à l’endettement. Concrètement: lorsque le fonds AVS tombe au-dessous de 50 pour cent de ses dépenses annuelles, un mécanisme automatique s’enclenche pour rétablir l’équilibre financier. Telles sont les mesures capables de nous assurer un système de prévoyance vieillesse fiable.