Des lectrices de la publication «Femmes dans les conseils d’administration – 400 propositions pour des sociétés suisses» y ont regretté l’absence de certains visages familiers, d’autres ont demandé selon quels critères les profils avaient été choisis. Comment avez-vous trouvé les candidates adéquates?
La publication n’a jamais prétendu être exhaustive et les critères appliqués ne sont assurément pas les seuls possibles. Nous avons retenu des femmes ayant le profil d’administratrices pour des sociétés avec plus de 400 salariés ou un chiffre d’affaires annuel de plus de 100 millions de francs. Nous avons également veillé à ce que tous les secteurs soient représentés et accordé une attention particulière aux domaines dits masculins tels que l’informatique, l’industrie ou l’immobilier. La nationalité n’a joué aucun rôle, mais nous avons vérifié que les candidates maîtrisent au moins une de nos langues nationales.
Selon les médias, l’Union patronale serait en train de construire une plate-forme de placement pour administratrices.
Ce n’est pas tout à fait correct. Nous ne voulons pas créer de nouvelle plate-forme de placement. Pour tous les partenaires impliqués, l’objectif du projet a toujours été de mener une action unique. La publication ne sera d’ailleurs ni revue ou complétée ni rééditée. Suite à l’étude menée en octobre 2013, qui avait révélé un besoin de soutien en la matière, l’Union patronale a pris l’initiative de ce projet et proposé d’éditer cette publication. Pour les partenaires qui y ont participé – et qui sont parfois concurrents au quotidien – le but commun était de donner une impulsion et de présenter au grand jour des femmes ayant les qualités requises. La publication se veut aussi instrument de travail, avec un premier aperçu au format compact de candidates potentielles. Aider les administrateurs à trouver des femmes au profil adéquat restera la tâche des recruteurs de cadres spécialisés et des organisations de recherche de membres de conseils d’administration.
La proportion de femmes administratrices va-t-elle augmenter de manière mesurable grâce à cette initiative?
Les changements dans la composition des conseils d’administration prennent du temps, car leurs membres sont appelés à siéger en moyenne durant huit ans dans ces organes en charge de la vision stratégique. Depuis 2012, nous observons cependant une forte progression des femmes dans les plus hautes instances de direction en Suisse. En 2014, un poste vacant d’administrateur sur trois a été accordé à une femme et, selon le rapport Schilling, dans 73% des 100 plus grandes entreprises suisses, une femme au moins siège aujourd’hui dans l’organe stratégique suprême. Face à cette dynamique, tabler sur une proportion de femmes de 30% en Suisse à l’horizon 2020 n’est pas une hypothèse audacieuse.
Quel est le plus grand obstacle restant à franchir pour non seulement atteindre, mais dépasser ce seuil de 30%?
Il y a dix ans, il n’y avait tout bonnement pas assez de femmes avec le bagage professionnel pour siéger au conseil d’administration. À présent, comme le montrent clairement notre publication et ses 400 profils, le problème ne concerne plus l’offre, mais la sélection des candidates. Les présidents de conseils d’administration ont certes compris que la mixité de genres est bénéfique et s’engagent en ce sens, mais lorsqu’il s’agit de recruter de nouveaux membres, la plupart se concentrent traditionnellement sur leur propre réseau. Il est un peu difficile de «lever le nez de son assiette», d’autant que les femmes aussi s’organisent et évoluent souvent dans leurs réseaux particuliers.
Que répondez-vous à ceux qui décrient le projet comme diversion pour parer l’introduction en Suisse d’un quota légal pour les conseils d’administration?
Ce reproche était prévisible. Mais nous avons lancé le projet avant que le Conseil fédéral ne décide de mettre un tel quota en consultation dans le cadre du droit de la société anonyme. D’une manière générale, les exigences de quotas des milieux politiques viennent toujours trop tard. En outre, des quotas standard ne conviennent pas à la Suisse, avec sa démocratie fédéraliste et son économie diversifiée. Il suffit de se remémorer les quotas pour apprentis revendiqués il y a dix ans à cause du nombre insuffisant de places d’apprentissage. En attendant, il en reste chaque année à ne pas trouver preneur. L’actuel débat sur les quotas aussi me semble rechercher l’effet avant tout. L’économie sait depuis longtemps que les équipes mixtes produisent des résultats plus durables et mieux prévisibles. Une base idéale pour mener la promotion des femmes avec système et sous responsabilité propre dans les entreprises – libre de toute réglementation sur les quotas.