Attaque contre le compromis des partenaires sociaux

13 septembre 2019 Opinions

Un article de la NZZ intitulé «Es geht auch ohne Renten-Luxus» («Cela ira aussi sans rentes de luxe») compare trois modèles de réforme de la prévoyance professionnelle, en faisant surtout le parallèle entre les coûts et le maintien du niveau des rentes, autrement dit l’objectif de prestation. Comme dans de précédents articles (par exemple sous ce lien), le journal jette un éclairage défavorable sur le compromis des partenaires sociaux. En substance, écrit-il, il serait possible de réaliser l’objectif de performance – maintien de la valeur réelle – inscrit dans la Constitution fédérale sans la «solution de luxe» des partenaires sociaux, qui est d’ailleurs le plus coûteux des trois modèles de réforme. Pour une comparaison honnête, l’article manque toutefois de transparence dans la présentation des coûts et de l’effet global.

Contrairement à ce qu’écrit la NZZ, le débat politique ne porte pas sur la réalisation à long terme – réelle – de l’objectif constitutionnel. Il s’agit plutôt de maintenir le niveau actuel (nominal) des rentes, en dépit de l’abaissement du taux de conversion minimal formateur de la rente, dont s’accompagne la réforme. Cette exigence politique ne peut être satisfaite de manière optimale qu’à la faveur du compromis des partenaires sociaux, ce que ne dit pas l’article de la NZZ. Avec la proposition des partenaires sociaux, un assuré ayant aujourd’hui 54 ans et dont le revenu annuel brut s’élève à 60 000 francs touchera, au moment de sa retraite, la même rente LPP que s’il la prenait actuellement. Dans les deux autres modèles, par contre, le même assuré subira une perte de rente de 1400 francs par an.

De même, il n’est guère plausible de ne pas prendre en compte les coûts publiés par les partenaires sociaux et validés par l’OFAS, mais plutôt les calculs non publiés d’une société de conseil, laquelle travaille sur des hypothèses différentes qui aboutissent à des coûts supérieurs de plusieurs centaines de millions de francs dans le modèle de base de la compensation. Il apparait en outre que les coûts de la compensation supplémentaire en faveur de la génération de transition ont été oubliés dans les deux autres modèles également. Si la comparaison des coûts était correcte, il faudrait mentionner 2,7 milliards de francs annuels pour le compromis des partenaires sociaux, au moins autant pour le modèle de l’Association suisse des institutions de prévoyance (ASIP) et 1,9 milliard pour le modèle de l’Union suisse des arts et métiers (USAM). En d’autres termes, l’article de la NZZ on compare  des pommes et des poires.

Si elle s’était appuyée sur une analyse approfondie, la NZZ n’aurait pas qualifié de «solution de luxe» le compromis des partenaires sociaux.

Si elle s’était appuyée sur une analyse approfondie, la NZZ n’aurait pas qualifié de «solution de luxe» le compromis des partenaires sociaux. Ce goût de la formule choc aurait pu, d’ailleurs, lui inspirer des titres de manchettes pour les autres modèles également – par exemple «solution dumping» pour celui de l’USAM, ou «dragon technocratique écrasant les plus faibles» pour celui de l’ASIP.

L’article de la NZZ soulève néanmoins un point essentiel, à savoir qu’il appartient en définitive au monde politique de décider, dans le cadre de  la réforme de la LPP, s’il souhaite s’en tenir à l’objectif consistant à maintenir le niveau actuel (nominal) des rentes. Et le fait est que seul le compromis des partenaires sociaux permet d’atteindre un tel objectif. Grâce à lui, le taux de conversion minimal  excessif d’aujourd’hui sera immédiatement abaissé, l’intérêt des travailleurs âgés sur le marché du travail sera renforcé et les conditions d’assurance se trouveront sensiblement améliorées pour les travailleurs à temps partiel et les bas salaires, en particulier les femmes. Tous ces progrès ont un prix: une hausse de 0,9 point des cotisations salariales, parfaitement conforme au cadre prévu. Enfin et surtout, la stabilisation et la modernisation urgentes de la LPP sont faciles à mettre en œuvre. Par contre, le modèle de l’USAM, qui imposerait aux institutions de prévoyance un «double compte témoin», serait un monstre bureaucratique coûteux.

Dans le cadre du partenariat social, les employeurs et les salariés qui gèrent et financent la prévoyance professionnelle, ont abouti à un compromis bien conçu et viable, qui stabilise les fondements de la prévoyance professionnelle.