Une campagne d’économie d’énergie doit être lancée fin août dans toute la Suisse en collaboration avec les milieux économiques. Qu’attendez-vous concrètement des entreprises et des organisations de branches?
OFEN: L’idéal serait que nous menions une campagne conjointe et coordonnée afin de renforcer les mesures favorisant l’efficience énergétique. Pour ce faire, nous échangeons des informations avec différentes organisations de branches, parmi lesquelles, notamment, l’Union patronale suisse.
Il n’existe pas encore d’études fiables sur les économies d’énergie réalisables en Suisse. En regardant du coté du Japon, nous voyons qu’en 2011, lors de la pénurie d’électricité due à l’accident de Fukushima, ils ont économisé entre 8 et 18 pour cent d’électricité, selon la région et l’étude, grâce à une campagne de ce type. Bien sûr, ce cas ne peut pas s’appliquer sans autres à la Suisse.
Pourquoi est-il important d’économiser dès aujourd’hui de l’énergie, en particulier de l’électricité?
OFEN: Outre de moindres dépenses d’électricité, les économies d’électricité réalisées dès maintenant permettent de réduire la quantité d’eau à turbiner dans les lacs de barrage et donc d’augmenter la réserve disponible de ces lacs, notamment pour produire de l’électricité dans le pays en hiver. Si l’électricité économisée est vendue aujourd’hui à d’autres pays européens, elle peut contribuer à réduire la consommation de centrales à gaz ou à remplir des réservoirs de gaz, lequel pourra être utilisé en hiver pour la production d’électricité ou le chauffage. En hiver, la Suisse dépend à la fois des importations de gaz et d’électricité en provenance d’Europe. S’intéresser suffisamment tôt aux économies d’électricité permet d’identifier les principaux potentiels et de prendre d’éventuelles mesures pour les réaliser, tant que divers équipements utiles tels que les lampes LED ou les douchettes à économie d’eau sont disponibles. Cela vaut également pour la consommation directe de gaz (voir l’idée d’économiser volontairement 15% de gaz en Europe).
Si les appels aux économies ne suffisent pas, les 30’000 principaux consommateurs d’électricité devront être contingentés. Des exceptions sont-elles prévues? Les centres de données, par exemple, seront-ils exclus du contingentement afin que l’infrastructure informatique des entreprises puisse continuer à fonctionner en toute sécurité même en cas de pénurie?
OFAE: Comme vous pouvez le voir sur notre site web dans le graphique «Quand l’électricité vient à manquer» (Fiche d’information: Les mesures en cas de pénurie de l’électricité), il existe encore une étape intermédiaire entre les appels aux économies et le contingentement: «la limitation ou l’interdiction des appareils et installations non essentiels». Cette mesure peut concerner par exemple les éclairages de rues ou de vitrines, les canons à neige, les installations de bien-être. Un contingentement ne s’imposerait que dans un troisième temps. L’objectif des restrictions de consommation et du contingentement des gros consommateurs est d’équilibrer l’offre et la consommation à un niveau qui permette d’éviter les coupures de réseau. Celles-ci auraient des conséquences beaucoup plus lourdes pour TOUS, population et économie, que les mesures en amont.
Les exploitants d’infrastructures critiques ainsi que les consommateurs ayant besoin d’un approvisionnement de base sont en principe traités de la même manière que les gros consommateurs qui n’appartiennent pas à l’un de ces groupes. En fonction de la situation, certains consommateurs dépendants de l’approvisionnement de base peuvent être exemptés en tout ou partie. Cette évaluation n’est toutefois possible que dans une situation de crise concrète. En conséquence, les exploitants d’infrastructures critiques et les entreprises dont l’approvisionnement est essentiel sont également tenus d’épuiser leur potentiel d’économie d’énergie en cas de pénurie d’électricité.
Dans le cadre de la planification de crise, certains de nos membres se demandent si les travaux à forte consommation d’énergie pourraient être décalés la nuit ou le week-end. Ou si le télétravail serait une possibilité. Serait-ce judicieux de votre point de vue, en permettant au moins de lisser la consommation d’électricité?
OFAE: Dans une situation de pénurie d’électricité, il s’agit de limiter la consommation de courant puisque l’offre ne couvre pas la demande. De simples décalages dans le temps ne permettent pas de réaliser des économies. Le télétravail n’est pour l’instant qu’une option parmi les nombreuses idées qui nous sont soumises et qu’il convient d’examiner.
Un contingentement de l’électricité pourrait avoir pour conséquence d’obliger des entreprises à arrêter partiellement leur production. Des compensations sont-elles prévues?
SECO: Il y a une différence importante par rapport à la situation qui prévalait pendant la pandémie. A l’époque, plus de 100’000 entreprises avaient dû fermer leurs portes à cause d’une menace imminente pour la santé. Maintenant, c’est différent: on sait déjà depuis le printemps qu’il pourrait y avoir une pénurie d’électricité cet hiver. Les entreprises ont le temps de s’y préparer. Les entreprises peuvent et doivent prendre en compte ce risque opérationnel.
Il en irait autrement si les entreprises se voyaient imposer une fermeture permanente. La loi sur l’approvisionnement du pays n’exclut pas les indemnités finales en cas de graves événements imprévisibles.