Droit à la déconnexion: le cadre légal suffit

18 septembre 2024 Revue de presse Opinions

Un durcissement de la loi sur le travail limiterait le recours aux horaires de travail flexibles qui sont de plus en plus répandus dans les entreprises.

La Suisse doit-elle suivre l’exemple australien et ancrer dans la loi le droit à la déconnexion? Avec l’essor du télétravail, cette question revient à intervalles réguliers sur l’agenda politique fédéral. La dernière proposition allant dans ce sens émane de la motion 24.3342 de la Verte Greta Gysin qui demande une modification de la loi sur le travail afin de garantir le droit à l’indisponibilité pendant le temps libre.

Dans la Berne fédérale, ces revendications se heurtent pour l’heure à une fin de non-recevoir, car considérées comme superflues. Comme le relève à juste titre le Conseil fédéral, des limites légales à la joignabilité existent déjà puisque «Pendant la durée du repos, l’employeur n’a pas le droit d’exiger de pouvoir atteindre les travailleurs et ces derniers ont le droit de ne pas être joignables.»

L’application de ce droit peut être garantie par des dispositions dans le contrat de travail ou dans les conventions collectives de travail qui permettent à la fois de préciser la durée du travail et les modalités du télétravail. Dans ce contexte, le bon sens doit primer.

Introduire un droit à la déconnexion en légiférant de manière uniforme, comme le préconise la motion Gysin, c’est faire fi de l’extrême diversité de notre tissu économique, composé pour l’essentiel de PME.

Travailler de manière flexible ne signifie pas travailler plus, mais avoir simplement plus de liberté pour décider où et quand travailler sans devoir être joignable 24 heures sur 24

Autre inconvénient: un durcissement de la loi sur le travail limiterait le recours aux horaires de travail flexibles qui sont de plus en plus répandus dans les entreprises. Une flexibilité heureuse qui permet aux employeurs d’ajuster leur besoin de main-d’œuvre selon les fluctuations conjoncturelles. Les employés tirent également leur épingle du jeu: une plus grande autonomie dans l’organisation du temps de travail contribue non seulement à mieux concilier vie privée et vie professionnelle mais aussi à mieux gérer des situations de stress.

En toute logique, le Conseil fédéral propose le rejet de la motion Gysin. Il est d’avis que la question de l’atteignabilité doit faire l’objet d’une discussion dans le cadre du traitement de l’initiative parlementaire Burkart 16.484 «Assouplir les conditions encadrant le télétravail», qui vient d’être mise en consultation.

Pour rappel: cette intervention demande une révision de la loi sur le travail de façon à étendre l’amplitude journalière du travail. Une autre mesure concerne les prestations professionnelles de courte durée et fournies occasionnellement (comme l’envoi d’un courriel) qui, selon le sénateur argovien, ne doivent pas constituer une interruption de la durée du repos.

Au vu des réalités actuelles du monde du travail, de telles propositions méritent d’être soutenues, cela d’autant plus qu’elles ne remettent pas en cause les dispositions sur la protection des travailleurs ni la durée maximale de la semaine de travail. Travailler de manière flexible ne signifie pas travailler plus, mais avoir simplement plus de liberté pour décider où et quand travailler sans devoir être joignable 24 heures sur 24.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».