Des quotas de travailleurs temporaires? Le Tribunal fédéral dit non

La décision de la haute juridiction contre une loi neuchâteloise est à saluer.

La décision est passée presque inaperçue, le 19 février dernier. Et pourtant, elle pourrait avoir des conséquences non négligeables sur le marché du travail. Le Tribunal fédéral a annulé l’article 10 de la loi neuchâteloise sur les marchés publics adoptée en septembre 2023 par le Grand Conseil. Une disposition qui limite le nombre de travailleurs temporaires employés sur les chantiers de construction.

Le Parti socialiste neuchâtelois a réagi immédiatement en regrettant ce jugement. Un avis partagé par les syndicats qui se battent depuis des années contre le travail temporaire car, à leurs yeux, il précariserait l’emploi et favoriserait la sous-enchère salariale.

Pour éviter de telles dérives, ils en appellent à restreindre cette forme d’emploi. Avec un succès notable à Neuchâtel, mais aussi au Tessin et à Genève où, en avril 2022, le Conseil d’Etat a décidé de limiter le recours au travail intérimaire avec un maximum de 20 pour cent d’intérimaires sur les chantiers publics.

La flexibilité permet aux entreprises d’ajuster leur besoin de main-d’œuvre selon les fluctuations conjoncturelles et saisonnières, et de contribuer ainsi à maintenir un taux d’emploi élevé

Sortir l’artillerie lourde pour limiter le travail temporaire, est-ce bien raisonnable? Non, répond l’institut Swiss Economics qui, dans une étude publiée en novembre 2024, montre qu’une telle mesure n’améliore en rien les conditions de travail des employés intérimaires. Et d’ajouter que la réglementation en vigueur permet de prévenir, dans une large mesure, toute défaillance du marché.

Non sans raison, puisque le travail temporaire est encadré à la fois par la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services et par la CCT Location de services, qui est déclarée de force obligatoire. Restreindre le recours au travail temporaire, c’est encourager d’autres modèles de travail flexibles, tels les contrats à durée déterminée, le travail sur appel ou la sous-traitance qui bénéficient d’une protection sociale moindre.

Plus fondamentalement, la limitation du travail intérimaire va à l’encontre de la liberté économique garantie par la Constitution fédérale. Cela se traduit par une immixtion des pouvoirs publics dans l’organisation des entreprises, d’autant plus malvenue dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Une telle contrainte pénalise également les salariés: le travail temporaire, faut-il le rappeler, favorise le retour à l’emploi et permet de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

Il faut donc saluer la décision du Tribunal fédéral. Les quotas sont contraires à la Constitution et mettent à mal le principal atout du travail temporaire: sa flexibilité. Une flexibilité qui permet aux entreprises d’ajuster leur besoin de main-d’œuvre selon les fluctuations conjoncturelles et saisonnières, et qui contribue ainsi à maintenir un taux d’emploi élevé en Suisse.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».