Le télétravail a connu un essor sans précédent ces dernières années. Propulsée par la pandémie de Covid-19 et les nouvelles technologies numériques, la proportion de télétravailleurs a doublé en une décennie, passant de 18,2 pour cent en 2013 à 36,7 pour cent en 2023. Dans ce nouveau contexte, le modèle hybride, en partie au bureau et en partie à la maison, s’est imposé dans de nombreuses entreprises.
Or, ce modèle repose sur une base légale d’un autre temps: la loi fédérale sur le travail (LTr). Conçue pour le monde industriel, cette loi n’est plus en phase avec la tertiarisation du monde du travail où de nombreuses tâches ne se laissent pas enfermer dans des horaires stricts.
La diffusion du télétravail appelle une modernisation de la LTr. C’est ce que réclame l’initiative parlementaire Burkart «Assouplir les conditions encadrant le télétravail», qui vient d’être adoptée par le Conseil national. Au cœur de la révision: l’allongement de l’intervalle entre le début et la fin du travail quotidien de 14 à 17 heures. Cette extension permet aux travailleurs de répartir leurs tâches sur une plus longue période pendant la journée et donc de s’organiser plus librement. En clair, il ne s’agit pas de toucher au volume du temps de travail, mais uniquement à sa répartition quotidienne.
Un durcissement du Code des obligations limiterait le recours aux horaires de travail flexibles qui sont de plus en plus répandus et souhaités par les salariés
La révision de la LTr acceptée par le National prévoit également qu’une prestation professionnelle de courte durée et fournie occasionnellement, telle que l’envoi d’un courriel, ne constitue pas une interruption de la durée du repos.
Mais la réforme ne s’arrête pas là. Dans un souci de compromis, le Conseil national a fait sienne plusieurs propositions de la gauche d’apporter des amendements au Code des obligations (CO). Or, ces amendements sont susceptibles de restreindre la flexibilité au travail et affaiblissent par là même la portée de l’initiative parlementaire Burkart. Un pas en avant, un pas en arrière.
Ainsi, le droit à la déconnexion, selon lequel le travailleur a le droit de ne pas être joignable pendant les congés et vacances, fait son apparition dans le CO. Le législateur va même plus loin puisqu’il préconise d’inscrire dans le CO une nouvelle disposition qui fixe «une rémunération pendant les périodes de joignabilité en fonction de la fréquence et de la durée des sollicitations».
Ces propositions sont à la fois excessives et superflues car des limites légales à la joignabilité existent déjà. En vertu de la LTr, l’employeur ne peut pas contraindre ses collaborateurs à être joignables pendant les périodes de repos.
De plus, un durcissement du CO limiterait le recours aux horaires de travail flexibles qui sont de plus en plus répandus dans les entreprises et souhaités par les salariés. Comme le montrent plusieurs études, une plus grande autonomie dans l’organisation du temps de travail contribue non seulement à mieux concilier vie privée et vie professionnelle, mais aussi à mieux gérer des situations de stress.
Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «l’Agéfi».