Privilégier fiscalement le travail à temps plein?

17 janvier 2024 Revue de presse Opinions

L’imposition individuelle constitue une réponse bien plus efficace à la pénurie de main-d’œuvre.

La vague semble irrésistible. Une pénurie de personnel frappe l’économie suisse. Tous les secteurs sont concernés. Face à l’urgence, les propositions fusent. Sur le plan politique, d’aucuns proposent de privilégier fiscalement le travail à plein temps par l’introduction d’une déduction, qui s’appliquerait tant pour l’impôt fédérale que pour les impôts cantonaux. Est-ce une bonne idée?

Sur le papier, un tel coup de pouce fiscal constitue une incitation à travailler davantage. On peut toutefois s’interroger sur l’efficacité de cette mesure qui risque d’être un coup d’épée dans l’eau pour le temps partiel choisi et de générer des effets d’aubaine pour le temps partiel subi.

Malgré ces réserves, peut-on néanmoins s’attendre à une réduction du sous-emploi des femmes? Le doute est permis. A l’heure actuelle, près de six femmes sur dix travaillent à temps partiel. Quarante pour cent d’entre elles ont un taux d’occupation inférieur à 50 pour cent. L’expérience montre que ces «mini temps partiels» sont très sensibles aux incitations à travailler plus. Or, la mesure proposée s’adresse prioritairement aux femmes avec un taux d’occupation supérieur à 50 pour cent..

S’ajoutent, de surcroit, des distorsions fiscales indésirables: pourquoi encourager l’augmentation du taux d’activité professionnelle de 80 à 100 pour cent, mais pas une hausse de 60 à 80 pour cent? Et pourquoi favoriser une famille dans laquelle une personne travaille à 100 pour cent et l’autre à 40 pour cent, alors que la charge fiscale pour un ménage dont l’activité professionnelle varie entre 80 et 60 pour cent resterait inchangée? Une inégalité de traitement totalement injustifiée.

 

Encourager les mères à travailler permettrait de créer jusqu’à 60.000 emplois supplémentaires en équivalents plein-temps

Le temps partiel s’est fortement développé ces dernières années. Une progression qui s’explique par les atouts des emplois à taux réduit, qui offrent une flexibilité accrue et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et privée. Sans oublier que nombre d’actifs ne travailleraient pas s’il n’y avait pas d’offres d’emploi à temps partiel.

Dans un contexte de pénurie de personnel, la question de savoir comment créer les incitations dans le système fiscal pour qu’il soit plus rentable de travailler davantage qu’aujourd’hui se pose malgré tout. Il est primordial toutefois que ces incitations soient indépendantes du taux d’occupation des travailleurs.

Une solution existe: l’imposition individuelle. Cette méthode de taxation permettrait de supprimer «la pénalisation du mariage» dans le cadre de l’impôt fédéral direct. Elle allégerait ainsi la charge fiscale des quelque 450’000 époux à deux revenus qui sont imposés comme une communauté économique. On comprend aisément que cette mesure renforcerait l’incitation à travailler, surtout parmi les mères. Selon certaines estimations cette démarche permettrait de créer jusqu’à 60’000 emplois supplémentaires en équivalents plein-temps.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «l’Agéfi».