Les négociations entre la Suisse et l’Union européenne (UE) sur les bilatérales III sont entrées dans la dernière ligne droite. Un accord entre les parties devrait être signé avant la fin de l’année. Cette issue heureuse doit être saluée, car le renouvellement de la voie bilatérale garantit non seulement un accès non discriminatoire au marché unique, mais aussi le recrutement de personnel en provenance de l’UE.
Mais les réjouissances pourraient être de courte durée, si l’initiative populaire de l’UDC «Pas de Suisse à 10 millions! (initiative pour la durabilité)» venait à être acceptée (la votation pourrait se tenir en 2026). Le texte prévoit en effet la résiliation de la libre circulation des personnes en cas de dépassement du seuil de 10 millions d’habitants avant 2050.
L’UDC a de la suite dans les idées. Malgré le net rejet dans les urnes de l’initiative populaire de limitation en septembre 2020, elle revient à la charge en s’attaquant à nouveau à la libre circulation des personnes, ce qui, «clause guillotine» oblige, ferait tomber l’ensemble des accords bilatéraux I.
La Suisse ne peut se permettre de jeter par-dessus bord la voie bilatérale, modèle de réussite depuis 2002.
Inutile de dire que ce scénario doit être évité à tout prix. La Suisse ne peut se permettre de jeter par-dessus bord la voie bilatérale, modèle de réussite depuis 2002. La prospérité de la Suisse, qui gagne un franc sur trois par ses échanges avec les Vingt-Sept, dépend en large mesure de la poursuite de cette voie. Les Suisses l’ont bien compris, eux qui ont confirmé à onze reprises leur soutien à la voie bilatérale en votation depuis 2000.
Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, renoncer à la libre circulation des personnes avec l’UE reviendrait à se tirer une balle dans le pied. Les besoins croissants des entreprises en personnel ne peuvent être uniquement couverts par du personnel autochtone. Dans les secteurs à haute valeur ajoutée, la perle rare se trouve souvent à l’étranger. L’expérience montre que les travailleurs européens ne concurrencent pas la main-d’œuvre indigène, mais la complètent judicieusement.
Depuis 2002, l’ouverture de notre marché du travail à l’UE a créé des milliers d’emplois supplémentaires, apporté expertise et savoir-faire aux entreprises et contribué de manière significative au niveau de prospérité actuel. Les assurances sociales ont également bénéficié de cette dynamique vertueuse.
La nouvelle initiative de résiliation de l’UDC ne donne aucune précision concernant la gestion de l’immigration en cas de dépassement du seuil de 10 millions d’habitants. Faute d’alternative, le risque est grand de devoir réintroduire des contingents. Or un tel changement de système entraînerait une lourde bureaucratie sans pour autant réduire l’immigration.
L’ouverture des frontières suscite des inquiétudes au sein de la population qu’il faut prendre au sérieux. Mais au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes, l’initiative «Pas de Suisse à 10 millions!» en crée de nouveaux. Plafonner le nombre d’habitants pour mettre fin à la voie bilatérale n’est pas une option viable. L’UDC fait totalement fausse route. Son initiative de limitation doit être rejetée sans réserve.
Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».