Dans la réforme de l’AVS, le Gouvernement prend de nouveau une mauvaise orientation

3 juillet 2019 Nouvelles

Le Gouvernement abat ses cartes pour la réforme de l'AVS. L'Union patronale suisse n'est pas d'accord avec la conception du projet AVS-21, principalement axée sur les recettes, que présente le Conseil fédéral.

Au lieu de garantir des rentes AVS jusqu’au milieu des années 2020 à l’aide d’une première étape de révision digeste équilibrant les recettes et les dépenses, le Conseil fédéral opte à nouveau pour une solution basée en grande partie sur des recettes. Avec le oui populaire du 19 mai 2019 au projet Réforme fiscale – AVS, un prélèvement additionnel de 0,3 point de cotisation salariale a déjà été décidé en faveur de l’AVS. Avec AVS21, la Confédération compte à l’évidence utiliser de nouveau le levier du financement supplémentaire. Avec l’augmentation proposée de 0,7 point de la TVA, les citoyens seront priés une fois de plus de passer à la caisse. Or, en Suisse, le poids des prélèvements subi par les citoyens et l’économie a déjà pratiquement atteint un sommet en comparaison européenne (voir graphique 1).

Graphique 1: L’évolution des prélèvements obligatoires sur les citoyens et les entreprises suisses depuis 1990 est alarmante.

Pour stabiliser durablement la principale assurance sociale de notre pays, préserver le niveau actuel des rentes et tenir compte des préoccupations des citoyens concernant la pérennité de leurs retraites, un cycle de réformes digne de ce nom est nécessaire (voir position «La réforme de l’AVS – maintenant»). Il faut pour l’AVS un dosage équilibré de mesures structurelles et de recettes supplémentaires. Il est vrai qu’avec AVS21, la Confédération s’attaque à l’égalisation de l’âge de la retraite AVS à 65 ans, mais les effets positifs de cette mesure seront réduits de plus de moitié par le montant de la compensation prévue en faveur de certaines cohortes de femmes, soit près de 700 millions de francs.

La solution ne serait équilibrée que si la TVA était augmentée de 0,3 point au lieu de 0,7 point et si un maximum de 400 millions de francs était consacré aux personnes directement concernées par l’augmentation de l’âge de la retraite.

Pour assurer les rentes dans la durée, toutefois, une prochaine réforme va déjà s’imposer dans la seconde moitié des années 2020. Même avec le projet AVS21 qui nous est proposé, le premier pilier sera ensuite de nouveau dans les chiffres rouges. Compte tenu du vieillissement de la population et donc du prolongement de la perception des rentes, nous ne serons plus en mesure d’éviter un relèvement général et progressif de l’âge de la retraite.

Face à l’augmentation de la demande de main-d’œuvre qualifiée, le Conseil fédéral doit ajouter au projet de loi une mesure d’incitation ciblée encourageant les personnes à rester plus longtemps sur le marché du travail. Les employeurs réclament depuis longtemps, par exemple, le relèvement de 1400 à 2000 francs par mois de la franchise AVS, qui n’a jamais été adaptée à l’évolution générale des coûts depuis plus de deux décennies (voir figure 2). La pratique montre en effet que cette franchise joue un rôle décisif dans la décision des personnes arrivées à l’âge de la retraite de continuer ou non – et dans quelle proportion – à travailler.

Figure 2: Le Conseil fédéral rend la retraite anticipée plus attrayante et n’encourage pas le travail volontaire au-delà de l’âge de la retraite.

Dans son projet, pourtant, le Gouvernement non seulement ne prévoit pas de nouvelles mesures incitatives efficaces pour encourager la poursuite volontaire d’une activité professionnelle après l’âge de la retraite, mais il rend même plus intéressante l’anticipation de la rente AVS (cf. graphique 2).

C’est d’autant plus surprenant que, dans son rapport explicatif sur la procédure de consultation du 27 juin 2018 (p.31/32), l’exécutif a rappelé que la plupart des pays européens non seulement relèvent l’âge de la retraite mais limitent également la plupart des options de préretraite. La réglementation proposée dans le projet de consultation – qui entraîne d’ailleurs 340 millions de francs par an de coûts supplémentaires – est donc fermement rejetée par les employeurs. Compte tenu des effets du vieillissement démographique sur le marché du travail, elle serait non seulement contre-productive, mais aurait au final un effet boomerang pour le financement de l’AVS. Avec le projet AVS21, le Conseil fédéral envoie donc à plusieurs égards de mauvais signaux.