Vers une Convention de l’OIT sur l’économie des plateformes?

L’ambition régulatrice de l’Organisation internationale du travail pose problème.

L’économie des plateformes sera au cœur de la 113e session de la Conférence internationale du travail (CIT) qui se tient à Genève du 2 au 13 juin prochain. Ce sommet annuel réunit les délégués des travailleurs, des employeurs et des gouvernements des 187 Etats membres de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Il faudra suivre de près ces négociations tripartites, car elles pourraient aboutir, en 2026, à l’adoption d’une Convention de l’OIT sur le travail décent dans l’économie des plateformes. Un texte qui devient juridiquement contraignant pour les Etats qui le ratifient.

L’OIT semble ainsi vouloir emboîter le pas à l’Union européenne (UE) qui, en novembre 2024, a adopté une directive sur le travail via une plateforme visant à renforcer les droits des travailleurs. La nouvelle base légale prévoit de requalifier comme salariés de nombreuses personnes considérées comme des indépendants et qui bénéficient d’une protection sociale limitée.

 

L’Organisation internationale des employeurs s’oppose catégoriquement à l’adoption d’une convention telle que proposée par l’OIT et se positionne en faveur d’une recommandation non contraignante

Adopter une norme internationale pour mieux protéger les travailleurs des plateformes, est-ce bien nécessaire? Oui, répond l’OIT. Si, d’un côté, l’agence onusienne salue l’essor de cette forme de travail qui a contribué à créer de nouvelles opportunités d’emploi et de revenu, de l’autre, elle s’inquiète de défis à relever en matière de travail décent.

Selon l’OIT, il n’existe pas d’instrument international qui s’applique en tant que tel aux plateformes de travail numériques. Elle relève aussi que les normes internationales du travail ne traitent pas spécifiquement des questions relatives à l’utilisation d’algorithmes et ne réglementent pas de manière complète la protection des données personnelles des travailleurs. Forte de ces constats, l’OIT en appelle à une action normative.

Or, cette ambition régulatrice n’est pas du goût du patronat. L’Organisation internationale des employeurs (OIE) s’oppose catégoriquement à l’adoption d’une convention telle que proposée par l’OIT et se positionne en faveur d’une recommandation non contraignante. Une position soutenue par les employeurs suisses, et ce pour plusieurs raisons.

L’économie des plateformes est complexe et fortement ancrée dans les réalités locales. L’adoption d’une convention uniforme et juridiquement contraignante ferait fi de cette diversité. Elle entraînerait une incertitude juridique accrue, d’autant que de nombreux gouvernements réglementent déjà ce domaine. Elle serait un obstacle à l’innovation, impacterait négativement les start-up et freinerait la croissance économique.

A l’inverse, une recommandation offrirait aux gouvernements la souplesse nécessaire pour adopter des politiques adaptées à leur contexte socio-économique. De plus, elle permettrait de mieux valoriser les opportunités de travail que peut offrir l’économie des plateformes, ce qui revêt une importance cruciale pour les pays en développement.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «l’Agéfi».