A peine présenté, le compromis négocié entre Berne et Bruxelles sur les bilatérales III est déjà contesté. Depuis le 20 décembre dernier, les syndicats sonnent la charge contre l’accord portant sur les travailleurs détachés. Ils n’ont pas de mots assez durs contre le Conseil fédéral qui, selon eux, aurait sacrifié notre protection salariale à Bruxelles.
Rien de plus faux! Confédération, cantons, employeurs, syndicats, tous poursuivent le même but dans ce dossier très controversé: le maintien du niveau de protection des salaires actuels en Suisse. Une mission accomplie avec succès par les négociateurs suisses. Le plan de protection à trois niveaux (principes, exceptions, clause de non-régression), qui est au cœur de l’accord Suisse-Union européenne (UE), constitue un solide rempart contre la sous-enchère salariale.
Les principes, tout d’abord. «Un salaire égal à travail égal au même endroit.» Ce principe cardinal, ancré dans la directive européenne sur les travailleurs détachés, est repris par la Suisse. De son côté, l’UE est prête à accepter le système d’exécution dual et décentralisé appliqué en Suisse, qui a largement fait ses preuves, où les représentants patronaux et syndicaux jouent un rôle de premier plan.
La clause de non-régression autorise un Etat membre à maintenir en droit national des dispositions plus favorables aux travailleurs que les textes communautaires. Une réelle avancée par rapport à l’accord-cadre
Les exceptions, ensuite, qui sont des concessions faites par les Vingt-Sept pour tenir compte des particularités de notre marché du travail. Bruxelles a en effet accepté trois mesures qui vont au-delà de ce qui est prévu par le droit européen: le délai d’annonce préalable fixé à quatre jours, le dépôt d’une garantie financière en cas de récidive ainsi qu’une obligation de documentation pour les indépendants.
La clause de non-régression, enfin, qui autorise un Etat membre à maintenir en droit national des dispositions plus favorables aux travailleurs que les textes communautaires. Une réelle avancée par rapport à l’accord-cadre. Ce mécanisme évitera à la Suisse de devoir reprendre des développements du droit européen susceptibles d’affaiblir la protection des travailleurs détachés.
Un bémol toutefois: Berne et Bruxelles n’ont pas réussi à s’entendre sur la question du remboursement des frais (déplacements, repas, hébergement). Ici, deux conceptions s’opposent. Au sein de l’UE, le calcul de ces frais se fait selon le pays d’origine des travailleurs. En Suisse, le lieu de travail constitue le critère déterminant.
Notons que plusieurs pays européens (dont l’Allemagne) s’éloignent de la pratique des frais prônée par l’UE qui est contraire au principe du salaire égal pour un travail égal au même endroit. Le dépôt d’un recours auprès de la Cour de justice de l’UE n’est pas exclu. Dans l’immédiat, face au risque de concurrence déloyale dans les secteurs concernés, la Suisse continuera d’appliquer sa législation.
Si les négociations entre la Suisse et l’UE ont abouti à un résultat positif, les discussions se poursuivent sur le plan interne entre les partenaires sociaux et la Confédération. Dans ce cadre, les employeurs apportent leur soutien à toute mesure technique susceptible de compléter le plan de protection à trois niveaux convenus avec l’UE. Ils s’opposent en revanche aux propositions syndicales qui ambitionnent de réglementer davantage le marché du travail suisse.