«Les rentes et l’âge de la retraite doivent être flexibles»

15 novembre 2019 5 questions à...

Le système suisse de la prévoyance vieillesse a besoin d'être réformé. Pour cette raison, l'Union patronale suisse (UPS) a participé à l’élaboration du large «compromis des partenaires sociaux sur la LPP». Josef Bachmann, ancien directeur de la caisse de pension de la société de conseil PwC, a lui aussi sa réponse au problème. Ce retraité est à la tête de l'initiative «prévoyance OUI – mais équitable».

Monsieur Bachmann, vous passez une grande partie de votre existence à travailler pour la prévoyance vieillesse. Pour vous, qu’est-ce qu’une prévoyance idéale?

Josef Bachmann

Josef Bachmann: C’est typiquement le concept suisse des trois piliers. Nous n’avons besoin de rien de nouveau. Les premier et deuxième piliers se complètent très judicieusement. Mais les deux systèmes doivent être adaptés à l’évolution des conditions. L’espérance de vie et l’âge de la retraite doivent d’urgence être remis en adéquation et la redistribution est un corps étranger toxique pour les rentes de la prévoyance professionnelle.

C’est ce que vous voulez changer avec votre initiative?

Oui, je souhaite régénérer la prévoyance professionnelle. Ma proposition est la suivante: rétablissons notre prévoyance vieillesse sur trois nouvelles bases. D’abord, il faut plus d’argent. Mais pour éviter de nous retrouver devant un puits sans fond, employons-nous dans le même temps à corriger les erreurs du système. Ce qui signifie, deuxièmement, qu’il nous faut instaurer un âge de départ à la retraite variable, en fonction des convenances personnelles. Les intéressés choisissent de travailler plus longtemps pour toucher des rentes plus élevées, ou d’avoir plus temps libre en se contentant de rentes plus faibles. Troisièmement, les rentes du deuxième pilier doivent devenir dynamiques. Nous ne pouvons pas influencer les paramètres «espérance de vie» et «revenus des placements». Aussi avons-nous besoin désormais de conformer les prestations à la réalité, modestement, mais en permanence. L’avantage de cette situation est que l’on tend ainsi à s’ajuster à l’inflation. Avec le nouveau modèle, les rentes courantes devraient aussi pouvoir être adaptées modérément. Cette formule permettra de répartir le fardeau sur de nombreuses épaules de manière supportable. La différence entre les rentes élevées des retraités âgés et celles, nettement plus faibles, des jeunes retraités ne se trouve pas éliminée, mais réduite. L’initiative a la forme d’une proposition conçue en termes généraux. Ses détails exacts seront fixés dans le projet de votation du Parlement.

Qu’est-ce qui changera concrètement pour les employeurs?

La flexibilité de l’âge de la retraite présente des avantages pour les employeurs. Les employés expérimentés et précieux restent plus longtemps en activité. Il faut toutefois des signaux positifs de part et d’autre: les employés doivent montrer qu’ils restent intéressants en prenant de l’âge, grâce à la formation continue et à la motivation, même avec une charge de travail réduite. Les employeurs, quant à eux, doivent prendre une position claire montrant qu’ils veulent garder les employés âgés plus longtemps dans la vie active. Il est important que le risque pour les employeurs de devoir payer des cotisations d’assainissement élevées se trouve considérablement réduit. Je m’attends là-dessus à un tonnerre d’applaudissements (rire).

Quelles chances donnez-vous à votre initiative?

Il importe surtout de parler du saut qu’elle implique. Si l’on vise une réforme durable de notre prévoyance vieillesse, s’accrocher à «l’âge de la retraite de 1948» est un véritable poison. Le mot le plus encourageant m’est venu d’un syndicaliste. A la fin d’un exposé, il m’a dit: «Vous avez raison, mais votre proposition n’est pas susceptible de trouver une majorité». En d’autres termes, la voie proposée est la bonne; il ne vous reste «plus qu’à» en convaincre les électeurs. Difficile de dire si l’initiative sera un succès.

Vous voyagez dans toute la Suisse et militez pour ce que vous appelez une prévoyance équitable. D’où vous vient votre motivation?

J’ai un sens aigu de la justice. Chez PwC, j’ai également eu la chance unique de mettre en œuvre un nouveau modèle de rentes variables. Cela signifie que je peux présenter ma propre idée avec conviction et de façon pratique. De plus, j’ai des enfants et je voudrais qu’ils puissent bénéficier d’une prévoyance vieillesse équitable. Enfin, ce sujet me met en contact avec des gens passionnants.