Réforme de l’AVS: l’aveuglement du Conseil fédéral

3 avril 2018 Revue de presse

Le 24 septembre dernier, le souverain a glissé un double «non» dans les urnes: non à une extension inconsidérée de l’AVS, telle que préconisée par la Réforme Prévoyance vieillesse 2020, et non également au relèvement de 0,6% de la TVA en faveur de l’AVS. De la sorte, la vox populi a clairement affirmé son opposition à toute hausse substantielle de cette taxe.

Le Conseil fédéral ne semble pas avoir tiré les leçons de cet échec populaire, début mars, il a présenté les grandes lignes de la réforme de l’AVS qui, oh surprise, repose sur une hausse massive de la TVA: «une augmentation unique de 1,7 point au maximum au moment de l’entrée en vigueur de la réforme» est en effet prévue.

La proposition gouvernementale ne bafoue pas seulement la volonté populaire, mais méprise aussi les décisions prises par Parlement sur le financement de Prévoyance vieillesse 2020. Souvenez-vous: au moment du lancement de cette réforme, le Conseil fédéral avait d’abord misé sur une hausse de 2% de la TVA, avant de proposer, dans son Message de novembre 2014, une majoration de 1,5%. Conscient qu’une telle hausse pèserait lourdement sur les bas revenus et encouragerait le tourisme d’achat, le Parlement a ramené cette augmentation à 0,6%.

Axée presque exclusivement sur une hausse des recettes supplémentaires, la nouvelle réforme de l’AVS du Conseil fédéral fait l’impasse sur les défis structurels du vieillissement démographique. Erreur. Car celui-ci ne cesse de creuser le gouffre financier de l’AVS. Si rien n’est fait, le déficit de répartition de l’AVS pourrait atteindre les 7 milliards de francs en 2030. Pour éviter ce scénario catastrophe, le Rubicon qu’il faut à tout prix franchir est le relèvement progressif de l’âge de la retraite.

Cela est d’autant plus nécessaire que l’augmentation de l’espérance de vie impacte également le marché du travail. Dans dix ans déjà, on estime que la vague des départs à la retraite de la génération du baby-boom privera le marché suisse d’une force de travail pouvant culminer à 500.000 postes à plein temps.

Par conséquent, une hausse graduelle de l’âge de la retraite au-delà de 65 ans apparaît indispensable à moyen terme non seulement pour préserver les rentes, mais aussi pour contrecarrer la pénurie de personnel qualifié qui se profile.

Fort heureusement, les citoyens suisses prêtent une oreille toujours plus attentive aux défis démographiques. L’analyse VOTO consacrée aux résultats du vote sur la Prévoyance vieillesse 2020, ainsi que la dernière enquête Vimentis, montrent qu’une élévation de l’âge de la retraite trouve un écho de plus en plus favorable dans la population.

Pour assurer la pérennité de l’AVS, une solution équilibrée, susceptible de rallier une majorité, en vue de garantir les rentes à moyen terme s’impose. Cet objectif sera atteint grâce à l’égalisation 65/65 de l’âge de la retraite des femmes et des hommes et à une majoration de 0,6 point de la TVA.

Dès la moitié des années 2020, il faudra, dans un deuxième temps, une adaptation graduelle de l’âge de la retraite à l’accroissement de l’espérance de vie. Cette solution, portée par les associations patronales, est conforme à la volonté populaire telle qu’elle s’est exprimée le 24 septembre 2017.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».