Réforme de l’AI: un pas en avant deux pas en arrière

10 décembre 2018 Revue de presse

Assurer le financement de l’Assurance invalidité (AI) est une priorité absolue. Et pour cause: à fin 2017, le déficit structurel de l’assurance se montait à près de 370 millions de francs, alors que sa dette envers le Fonds AVS dépassait les 10 milliards de francs.

C’est dire la nécessité d’une réforme en profondeur de l’AI. Pour sortir de l’ornière, plusieurs mesures ont été adoptées afin de transformer l’assurance de rente en une assurance de réinsertion.

Une tâche de longue haleine, dont la dernière étape a été la récente adoption par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) du projet «Développement continu de l’AI».

Rester intégré à la vie active
Une réforme qui doit notamment contribuer à ce que les jeunes adultes et les personnes atteintes dans leur santé psychique ne perçoivent pas trop rapidement une rente mais demeurent intégrés le plus possible dans la vie active.

La CSSS-N a donc confirmé l’orientation de la révision de l’AI vers une meilleure intégration des rentiers dans le marché du travail. Elle souligne en particulier la nécessité d’intégrer plus efficacement dans le monde professionnel les moins de 30 ans souffrant de troubles psychiques.

Seuls devraient bénéficier immédiatement d’une rente les jeunes n’ayant aucune chance de trouver leur place sur le marché du travail, même avec le meilleur soutien.

Corriger les incitations
On peut également saluer la recommandation de la CSSS-N de ramener de 40 à 30 pour cent de la rente AI la rente complémentaire pour enfant versée aux rentiers. Il s’agit en effet de corriger les incitations défavorables à l’insertion professionnelle des bénéficiaires de rentes ayant de nombreux enfants.

Un bémol toutefois: le projet de réforme ne prévoit aucune mesure structurelle capable d’assainir durablement l’AI. Des efforts supplémentaires sont donc nécessaires pour rembourser la montagne de dettes de l’AI.

Plus grave encore, la volonté de la majorité de la CSSS-N de prévoir la possibilité d’obliger les employeurs à insérer dans le marché du travail des personnes atteintes dans leur santé.

Une décision qui suscite la plus grande incompréhension car elle fait fi des succès remportés ces dernières années dans le cadre de la collaboration volontaire entre les divers acteurs de l’insertion professionnelle, à savoir l’AI, la Suva, les assureurs privés, le corps médical, les organisations de personnes handicapées et d’insertion et les employeurs. Depuis 2012, grâce à l’engagement de ces acteurs, pas moins de quelque 114.000 personnes ont pu conserver leur emploi ou en trouver un nouveau.

Une coopération sur une base volontaire doit donc être privilégiée. L’engagement des employeurs en matière de détection précoce et de maintien en activité, notamment dans le cadre du portail d’information www.compasso.ch, est là pour nous rappeler qu’une solution sous contrainte étatique serait inutile et en décalage avec la réalité.

Il n’y a donc aucune raison objective d’instaurer un système de quotas qui, au final, risque même de se révéler préjudiciable aux personnes en situation de handicap.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».