Réforme AVS 21: le mauvais signal du Conseil fédéral

30 septembre 2019 Revue de presse

Les études se suivent et se ressemblent, montrant que le vieillissement démographique entraîne inexorablement une pénurie de main-d’œuvre. Selon une analyse d’UBS, publiée début juillet, il pourrait manquer 300'000 travailleurs en Suisse d’ici dix ans. Une récente enquête de Crédit suisse abonde dans le même sens.

Le départ à la retraite de la génération du baby-boom va affecter les entreprises dès 2021. Et cette tendance va marquer le marché du travail helvétique pour les dix années à venir. Face à ce scénario alarmant, la réponse politique ne s’est pas faite attendre. Le Conseil fédéral a décidé de compléter sa stratégie visant à combattre la pénurie de personnel qualifié en adoptant, en mai dernier, une batterie de mesures destinées à encourager le potentiel de main-d’œuvre indigène. Les travailleurs âgés sont les principaux bénéficiaires de ce plan d’action.

Mais les conséquences du changement démographique ne s’arrêtent pas au marché du travail. Elles affectent aussi la prévoyance vieillesse. Les chiffres de l’Office fédéral de statistiques sont éloquents: lors de l’introduction de l’AVS en 1948, l’espérance de vie à la naissance était en moyenne de 67,3 ans. En 2017, elle est passée à 85,4 ans pour les femmes et à 81,4 ans pour les hommes.

Une évolution réjouissante, mais qui met à mal l’équilibre entre cotisants et rentiers sur lequel repose le fonctionnement de l’AVS. En 1948, il y avait 6,5 personnes actives pour financer une rente. En 2035, lorsque la plupart des personnes de la génération du baby-boom seront à la retraite, il n’y aura plus que 2,3 cotisants pour un rentier. Conséquence: en 2030, le déficit de répartition de notre principale assurance sociale pourrait atteindre 7 milliards de francs.

Pour garantir la viabilité financière du premier pilier, une réforme en profondeur s’impose. A moyen terme, une hausse graduelle de l’âge de la retraite au-delà de 65 ans apparaît indispensable. Dans l’immédiat, cela passe par l’adoption de mesures incitatives afin d’encourager les personnes à rester plus longtemps sur le marché du travail.

Face à ce double défi, que propose le Conseil fédéral? Son message relatif à la réforme AVS 21, qu’il a adopté à la fin août, prévoit certes de relever l’âge de référence des femmes à 65 ans, mais ne contient aucune disposition susceptible d’encourager la poursuite volontaire d’une activité professionnelle après l’âge de la retraite. Pire encore, son projet rend plus intéressante l’anticipation de la rente AVS. Le Conseil fédéral envoie donc un mauvais signal. Ce d’autant plus que la plupart des pays européens non seulement relèvent l’âge de la retraite mais limitent également la plupart des options de préretraite.

Les employeurs réclament depuis longtemps le relèvement de 1400 à 2000 francs par mois de la franchise AVS, qui n’a jamais été adaptée à l’évolution générale des coûts depuis plus de deux décennies. La pratique montre en effet que cette franchise joue un rôle décisif dans la décision des personnes arrivées à l’âge de la retraite de continuer ou non – et dans quelle proportion – à travailler.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agéfi».