Malgré la chute brutale des marchés causée au printemps 2020 par la crise du coronavirus, il ne reste pratiquement aucune trace de cette pandémie dans les livres de compte des institutions de prévoyance suisses. La plupart des marchés boursiers s’étaient déjà redressés à la fin de 2020 et le premier semestre de 2021 a fait grimper les cours à des hauteurs vertigineuses. En conséquence, les taux de couverture et donc l’état de santé supposé des caisses de prévoyance s’améliorent également, de sorte que de nombreux acteurs sont enclins à fixer les paramètres d’évaluation correspondants avec un peu plus d’optimisme qu’auparavant.
Un paramètre important de la prévoyance professionnelle est le taux d’intérêt minimal auquel les avoirs de vieillesse doivent être rémunérés dans le régime obligatoire LPP. Il détermine également la participation des assurés au rendement de la fortune des institutions de prévoyance. A cet égard, il a donc une fonction de garantie. Pour déterminer le taux d’intérêt minimal annuel, le Conseil fédéral s’appuie sur la recommandation de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle (Commission LPP). En fonction des exigences légales, celle-ci doit tenir compte de divers paramètres pour sa recommandation, tels que le rendement des placements usuels du marché, en particulier des obligations de la Confédération ainsi que, en complément, celui des actions, des obligations et de l’immobilier. Parmi les autres critères figurent la situation financière des institutions de prévoyance, l’inflation ou le caractère supportable du taux d’intérêt minimal pour les caisses offrant le minimum LPP et les institutions collectives et communes. La Commission LPP recommande à présent au Conseil fédéral de laisser le taux d’intérêt minimal dans la prévoyance professionnelle au niveau actuel de 1,0 pour cent pour 2022. Les deux propositions formulées en son sein à l’appui respectivement d’une réduction et d’une augmentation n’ont eu aucune chance.
Les employeurs, qui ont fait campagne pour une réduction significative du taux, jugent peu convaincante la décision de la Commission. D’abord, bien qu’il soit fixé aujourd’hui, le taux vaut garantie pour l’ensemble de l’exercice 2022. Or, personne ne peut être sûr que les marchés vont se maintenir sur leur trajectoire haussière, de sorte que l’évolution actuelle n’est pas un indicateur absolument fiable de ce que sera la situation à la fin de l’année prochaine. Pour cette seule raison, il serait judicieux d’user de la prudence en fixant le paramètre du taux minimal. D’autre part, la pression ne cesse de se renforcer, tout particulièrement sur les caisses de pension pratiquant le minimum légal ou un régime proche. Elle n’est pas seulement due à l’augmentation – bien que désormais plus faible – de l’espérance de vie, mais surtout au profond changement de composition de la population assurée. De nombreuses caisses suisses, en effet, font face à une véritable vague de départs à la retraite de la génération des baby-boomers. Il est donc probable que la part des actifs de rente dans le total de leur bilan augmentera ces prochaines années et que leur capacité à se restructurer s’en trouvera continuellement affaiblie. Raison de plus, dès lors, de ne pas leur imposer des difficultés supplémentaires par le biais du taux d’intérêt minimal. Mais les avertissements des employeurs n’ont pas été entendus par la Commission.