PF17-AVS: un marchandage hasardeux

11 juin 2018 Revue de presse

Lier le Projet fiscal 17 (PF17) et l’AVS. C’est la proposition surprise de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-E), qui a obtenu les faveurs du plenum, pour faire sortir le dossier fiscal de l’impasse.

La recette miracle des sénateurs repose sur un mécanisme de «compensation sociale» selon lequel l’allégement de la fiscalité des entreprises – estimé à 2,1 milliards de francs – serait compensé par un versement équivalent au fonds AVS.

Une audace qui n’en finit pas de faire des vagues. L’Union patronale suisse a fait entendre sa voix critique. Les employeurs considèrent l’adoption rapide de la PF17 comme une nécessité absolue, mais voient d’un très mauvais œil la volonté des parlementaires d’entremêler politique fiscale et politique sociale. La fin justifie-t-elle les moyens?

Complexité supplémentaire

Loin d’améliorer l’efficacité du PF17, cet amalgame ajoute un degré de complexité supplémentaire aux réformes en cours. S’il devait être soumis à votation, le paquet PF17+AVS, qui bafoue le principe de l’unité de la matière, risque de s’avérer indigeste pour le citoyen lambda.

Le compromis élaboré par la CER-E s’appuie sur trois mesures destinées à renflouer les caisses de l’AVS. Deux d’entre elles – le versement de l’intégralité du pour-cent démographique de la TVA et le relèvement de la contribution de la Confédération – sont défendables car elles s’inscrivent dans le cadre étroit des finances fédérales.

Un répit provisoire

C’est le troisième volet de l’accord qui pose problème: le relèvement des cotisations AVS de 0,3 point (0,15 à la charge des employeurs et 0,15 à celle des employés) interfère en effet dans le processus de réforme de la prévoyance vieillesse en cours.

Dit autrement, la «compensation sociale» apparaît comme un corps étranger susceptible de reporter aux calendes grecques la nécessaire et urgente révision de l’AVS.

Autre inconvénient: cette proposition viderait de sa substance le mandat que le Conseil fédéral a confié aux partenaires sociaux afin qu’ils élaborent des solutions concertées pour abaisser le taux de conversion minimal dans le cadre de la réforme de la LPP.

Certes, ces trois mesures vont apporter un bol d’oxygène aux finances de l’AVS, mais il ne s’agit que d’un répit provisoire, insuffisant pour assurer la viabilité financière de l’AVS sur le long terme. Les défis démographiques exigent une réforme structurelle de la prévoyance vieillesse.

Pour les employeurs, des ponctions salariales supplémentaires en faveur de l’AVS ne sont envisageables qu’en association avec le relèvement progressif d’une année, à 65 et 66 ans respectivement, de l’âge de la retraite des femmes et des hommes.

A cette condition seulement, le jumelage avec le PF-17 sous la forme d’une hausse des cotisations salariales en faveur de l’AVS apporterait une valeur ajoutée structurelle à l’objectif de la pérennité financière de notre principale assurance sociale. Une telle élévation de l’âge de la retraite, qui trouve un écho de plus en plus favorable dans la population, apparaît également indispensable pour contrecarrer la pénurie de personnel qualifié qui se profile.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».