L’allocation pour perte de gain n’est pas un libre-service

9 juillet 2018 Revue de presse

«Les dépenses sociales ont augmenté de 3,3% en 2016». C’est l’Office fédéral de la statistique qui l’affirme. Sa récente enquête «Les comptes globaux de la protection sociale 2016» montre aussi que les cotisations pour les prestations sociales ont explosé entre 1990 et 2016, passant de 71 à 170 milliards de francs. Cette somme représente 26 pour cent du PIB. La preuve, si besoin était, de l’irrésistible croissance de l’État social en Suisse.

Autre source de préoccupation: la plupart de nos assurances sociales sont dans les chiffres rouges. Le bilan annuel de Compenswiss présenté à la fin mars illustre la gravité de la situation: en 2017, le déficit de l’AVS a franchi le cap du milliard de franc; le résultat de répartition régime des allocations pour perte de gain (APG) est également déficitaire de 49 millions de francs.

Dans ce contexte, tout doit être mis en œuvre pour assainir financièrement le système de sécurité sociale. Or, c’est le contraire qui se passe. Nombreuses sont en effet les propositions demandant de renforcer le filet de protection sociale. L’exemple de l’APG illustre à merveille cette dérive: pas moins de quatre projets sont actuellement inscrits à l’agenda politique fédéral qui réclament d’élargir son champ d’intervention. Un flagrant déni de réalité qui risque de plomber les comptes de cette assurance.

Il y a tout d’abord l’initiative parlementaire Romano, qui demande d’introduire des allocations en cas d’adoption d’un enfant (coûts estimés: 200’000 francs par année). Il y a ensuite la motion de la Commission de la sécurité sociale du Conseil des États qui préconise de «Rallonger la durée de l’allocation de maternité en cas de séjour prolongé du nouveau-né à l’hôpital» (coûts estimés: 5,5 millions de francs par an). Il y a aussi le Plan d’action en faveur des proches aidant qui prévoit un congé pour les parents professionnellement actifs d’enfants gravement malades ou victimes d’un accident (coûts estimés: jusqu’à 80 millions de francs par année).

Effets calamiteux sur les finances de l’APG

Mais c’est surtout l’initiative populaire «Pour un congé paternité raisonnable – en faveur de toute la famille» de quatre semaines, qui aurait des effets calamiteux sur les finances de l’APG. Selon les estimations, 420 millions de francs seraient nécessaires chaque année pour financer l’allocation paternité «raisonnable» réclamée par Travail.Suisse.

Le Conseil fédéral ne s’y est d’ailleurs pas trompé: dans son Message publié début juin, il explique que les coûts sont la principale raison pour laquelle il s’oppose à ce texte. Et d’ajouter que «Le relèvement du taux de cotisation APG de 0,11 point de pourcentage engendrerait une charge financière supplémentaire pour les employeurs».

On ne saurait mieux dire. Cette initiative populaire – et son éventuel contre-projet – doivent être rejetés non seulement parce que le congé paternité étatique fait fi de l’extrême diversité de notre tissu économique, mais surtout parce qu’il est de nature à renforcer l’État providence, avec à la clé une augmentation des cotisations sociales à la charge des employeurs.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».