La Suisse n’est pas une île bienheureuse

28 septembre 2017 Opinions

La réforme de la prévoyance vieillesse 2020 appartient maintenant à l’histoire. L’intense campagne de votation aura été caractérisée par des alliances pour le moins inhabituelles, un activisme douteux du Conseil fédéral, des informations officielles discutables et beaucoup d’écrans de fumée. De ce combat ne sont sortis ni brillants vainqueurs ni perdants vraiment dignes dans la défaite. Les gagnants savent qu’ils ont simplement évité le pire à l’AVS et que le besoin de réforme reste aujourd’hui aussi impératif qu’hier. Les perdants font la moue, se donnent des coups de griffes dans tous les sens et chacun d’eux revendique le monopole d’interprétation des résultats de la votation. Mais aussitôt que la poussière du combat sera retombée, ils verront eux aussi les mains de leurs adversaires se tendre vers eux. Car il faut bien, à présent, que tous nous tirions à la même corde. Et le Conseiller fédéral en charge du dossier doit réunir tous les acteurs concernés – en particulier les partenaires sociaux, qui ont été laissés de côté dans la construction du paquet de réforme qui a été refusé.

Laissons donc les susceptibilités froissées et les escarmouches politiques derrière nous et dressons un état des lieux objectif et constructif. Le fait est là: le peuple a refusé, pour la deuxième fois en l’espace d’un an, une extension de l’AVS. Les sondages et les premières analyses de tendance réalisée en marge de la votation ont identifié dans le manque de durabilité la principale faiblesse du projet de réforme 2020. Développer les prestations de l’AVS plutôt que d’assainir cette assurance n’a tout simplement aucun sens face au vieillissement de notre société. Les efforts doivent se concentrer au contraire sur ce qui correspond à l’intérêt de tous: assurer les rentes au niveau actuel et garantir la stabilité financière des deux piliers centraux de la prévoyance vieillesse: l’AVS et la LPP.

Ce double objectif de réforme, important et légitime, correspond aux ambitions initiales du Conseil fédéral. Une majorité extrêmement courte de parlementaires avait choisi hélas de s’en écarter et on connait la suite. Aujourd’hui en tout cas, tous les intéressés doivent parvenir de nouveau à s’entendre sur les objectifs de départ du Gouvernement. Plusieurs mesures qui n’étaient pas contestées dans le paquet de réforme mis en échec sont déjà à portée de main du monde politique. Pour stabiliser les finances de l’AVS, il faut égaliser l’âge de la retraite des hommes et des femmes et augmenter modérément la TVA. Dans la prévoyance professionnelle, il s’agit d’abaisser le taux de conversion minimal en assortissant cette mesure d’une compensation adéquate dans le cadre même du deuxième pilier. Des approches réalistes ciblant de légers correctifs ont déjà été débattues et sont sur la table du Parlement. Il appartient maintenant au ministre compétent Alain Berset de définir sans tarder avec les groupes parlementaires et les partenaires sociaux une solution susceptible de réunir une majorité, une solution qui puisse aussi être présentée au souverain de manière équilibrée et en portions digestes.

 

La Suisse n’est par une île bienheureuse épargnée par les mutations démographiques de la planète.

L’approche qui consiste à réformer en même temps l’AVS et la LPP dans un paquet compliqué et surchargé a échoué. La réforme doit donc se poursuivre en plusieurs étapes bien dosées. Certes, il n’est pas question de relever les impôts et l’âge de la retraite en quelque sorte à titre «provisionnel». Mais que cela ne nous empêche pas de lancer la discussion sur de véritables mesures structurelles. Car la Suisse n’est par une île bienheureuse épargnée par les mutations démographiques de la planète. L’augmentation de l’espérance de vie s’est déjà traduite dans de nombreux pays européens par un allongement de la vie active des individus. La motion du Conseiller aux Etats PDC Hegglin (16.3225) demandant que l’âge AVS de référence soit couplé à l’espérance de vie offrira bientôt au Parlement l’occasion d’entamer sérieusement ce débat. Ainsi des perspectives claires pourront être tracées quant au rythme et aux doses des actions nécessaires pour que cette indispensable adaptation de la durée de la vie active puisse raisonnablement se concrétiser dans les deux décennies à venir.