Rétablir la primauté des CCT sur le droit cantonal

En Suisse, près de 580 conventions collectives de travail (CCT) fixent les conditions de rémunération et de travail dans une branche ou une entreprise. Garants de la paix sociale, ces accords paritaires reflètent la réalité du terrain en tenant compte des spécificités sectorielles. Une souplesse qui doit être privilégiée par rapport à la rigidité de la loi.

Or, la portée de ces pratiques conventionnelles a été réduite depuis que cinq cantons (Neuchâtel, Jura, Tessin, Genève, Bâle-Ville) ont introduit un salaire minimum légal. Ce d’autant plus que, à Neuchâtel et à Genève, les CCT déclarées de force obligatoire pour l’ensemble de la Suisse peuvent être invalidées par des réglementations cantonales.

Pour mettre fin à cette dérive, la motion Ettlin «Protéger le partenariat social contre des ingérences discutables» réclame la priorité des CCT étendues sur le droit cantonal. Sans succès pour le moment. La commission compétente du Conseil des États vient en effet de rejeter cette proposition, arguant que du point de vue de la légitimité démocratique et du respect des institutions, il serait problématique que des CCT l’emportent sur le droit cantonal.

Des arguments qui peinent à convaincre. Les sénateurs semblent oublier que l’extension d’une CCT est réglée par une loi fédérale qui permet de rendre obligatoires pour toute une branche les solutions trouvées sur la base du partenariat social.

Ils passent sous silence le fait que l’extension d’une CCT ne peut être prononcée que si le respect du principe de majorité (à travers les fameux quorums) est respecté: les associations patronales et syndicales signataires doivent représenter respectivement la moitié des employeurs et des travailleurs de la branche.

Il peut également être rappelé que la loi fédérale sur le travail, qui est fondée sur le principe de la liberté des salaires, ne peut être limitée que par les instruments prévus par la loi elle-même, à savoir les contrats-type de travail et les CCT déclarées de force obligatoire.

Reste à espérer que le plénum de la Chambre des cantons corrigera le tir en rétablissant la primauté des CCT sur le droit cantonal. Dans le cas contraire, le partenariat social risque d’être vidé de sa substance. A quoi bon négocier la fixation des salaires entre partenaires sociaux si le résultat peut être annulé par le droit cantonal?

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agéfi».