Pas de salaire minimum imposé par l’Etat

25 janvier 2011 Nouvelles

L’Union syndicale suisse a démarré ce 25 janvier une campagne de récolte de signatures à l’appui de son initiative «pour un salaire minimum». L’Union patronale suisse y est résolument opposée. Pour elle, fixer les niveaux de salaires est exclusivement l’affaire des entreprises – ou des branches là où il y a convention collective de travail.

Le 25 janvier 2011, l’Union syndicale suisse a commencé à récolter des signatures pour son initiative sur le salaire minimum. Selon ce texte, un nouvel article constitutionnel 110a chargerait la Confédération et les cantons de «prendre des mesures pour protéger les salaires sur le marché suisse de l’emploi». Pour atteindre ce but, il s’agit surtout d’encourager la conclusion de CCT prévoyant des salaires minimums, ou d’imposer directement un salaire minimum légal.

L’Union patronale suisse s’oppose avec force à cette initiative. Elle rappelle qu’il appartient par principe au marché de déterminer les salaires. Fixer les salaires est l’affaire de chaque entreprise, ou des branches lorsqu’elles sont régies par des conventions collectives de travail. Négocier ce type d’objet fait naturellement partie des attributions des partenaires sociaux. Lesquels ont pour vocation de s’engager pour les salaires les mieux adaptés aux besoins de tous, et donc de les négocier ensemble.

Non aux CCT obligatoires!
Parce que pour les syndicats, les «CCT demeurent la voie royale pour des salaires convenables», la Confédération et les cantons doivent encourager la conclusion de CCT prévoyant des salaires minimums. A y regarder de près, il s’agit en fait d’une voie royale, bien qu’indirecte, vers la contrainte contractuelle.

«L’exigence» de CCT prévoyant des salaires minimums lèse l’autonomie contractuelle des signataires de CCT qui ne veulent pas introduire la question du salaire minimum dans leur accord. Si un certain nombre de CCT fixent un salaire minimum, d’autres CCT de branches même importantes ne mentionnent en revanche aucun salaire. Ces branches jugent préférable de laisser le règlement de cette question en apanage aux entreprises.

La liberté des partenaires sociaux, qui consiste à ne conclure de CCT que si les parties la jugent utile à la branche, doit demeurer garantie. De même, fixer les salaires minimums est l’affaire des partenaires sociaux concernés et non celle du législateur.

Des salaires minimums élevés tuent l’emploi
«Subsidiairement» aux salaires minimums des CCT, l’initiative veut aussi introduire un «salaire minimum légal national», dicté par la Confédération. Il s’imposerait à tous les travailleurs, avec des possibilités de dérogation pour certains rapports de travail. Les initiants déterminent le montant du salaire minimum sur la base des directives de la CSIAS relatives au minimum vital, ce qui correspond  au 1er janvier 2011 à 22 francs de l’heure, chiffre qui sera régulièrement adapté à l’évolution des salaires et des prix, au moins dans la même mesure que la rente AVS.

L’introduction d’un salaire minimum légal de 22 francs/h  (soit 4000 francs par mois pour une semaine de 42 heures) entraînerait pour environ 400 000 salariés une hausse de revenu  parfois substantielle. Une  intervention si poussée dans les structures salariales suisses aura des répercussions négatives sur l’embauche. Et qui en souffrira le plus? Précisément les actifs peu qualifiés ou de capacité réduite que l’initiative est censée protéger.

Fixer des salaires minimums systématiquement et très nettement supérieurs au salaire du marché encourage les choix de rationalisation ou de délocalisations d’emplois et rendent plus difficile l’accès ou le retour des travailleurs à la vie active. Des salaires artificiellement élevés s’accompagnent automatiquement d’un durcissement des exigences imposées aux salariés et d’une plus forte pression sur les collaborateurs ayant les plus faibles capacités. Enfin un «barème salarial unique» au plan suisse entraînerait de fortes distorsions économiques et de concurrence.

Des salaires minimums vitaux ne constituent pas un critère de mesure objectif
Tous les «salaires minimums vitaux» ne sont pas capables d’assurer le minimum vital. A cet égard, le facteur déterminant est le revenu du ménage. Les coûts de la vie peuvent varier considérablement. Ils sont directement liés à la taille du ménage et aux conditions régionales. Selon les cas, un salaire considéré comme suffisant pour une personne seule ne le sera pas pour une famille. Un second salaire, plus modeste, pourra donc venir combler la différence. Raison pour laquelle on trouve le plus souvent des jeunes entrant dans la vie active et des personnes (surtout des femmes) assurant un revenu d’appoint dans les catégories de bas revenus.

Lorsque le salaire ou les revenus du ménage ne suffisent pas aux besoins élémentaires, la couverture du minimum vital est garantie en Suisse par l’assurance sociale ou l’aide sociale. Nous avons à ce titre des dispositifs taillés sur mesure qui tiennent suffisamment compte de l’inégalité des besoins des groupes à risque et des individus. Un «revenu minimum garanti» existe donc bel et bien chez nous. Seulement il porte d’autres noms et vise à couvrir le minimum existentiel.