La suppression par la Banque nationale suisse du cours plancher du franc a plongé la prévoyance professionnelle dans la déprime. On a vite fait de dresser la liste des coupables: réglementations inappropriées, paramètres incorrects, remaniements législatifs,… La liste des plaintes en provenance des milieux de la prévoyance professionnelle pourrait s’allonger à l’infini. C’est compréhensible. Pourtant les acteurs de la branche ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Avec les représentants de l’économie, ils sont nettement majoritaires au sein de la Commission LPP. Et c’est par une décision prise à la majorité que la Commission a recommandé l’automne dernier au Conseil fédéral de fixer un taux d‘intérêt minimal déjà trop élevé à l’époque.
Récemment, dans un article paru dans la NZZ, Werner Enz a prié le Conseil fédéral de revoir le taux minimal de 1,75 pour cent. L’idée de corriger ou d’éliminer les erreurs des paramètres de la LPP (taux de conversion minimal et taux d’intérêt minimal) est bonne. La proposition de M. Enz mérite sans doute d’être approuvée. Mais pourquoi donc la majorité des représentants de la prévoyance professionnelle et de l’économie regroupés au sein de la Commission LPP n’ont-ils pas fait usage de leur marge de manœuvre lorsqu’ils ont recommandé au Conseil fédéral de laisser le taux d’intérêt minimal à 1,75 pour cent? N’était-ce pas leur devoir légal de proposer un taux minimal réaliste? La tradition veut que le Conseil fédéral suive la recommandation de la Commission LPP lorsqu’il prend sa décision définitive concernant ce taux vers la fin de l’année. C’est à juste titre qu’il avait institué une commission d’experts sur laquelle il puisse fonder sa décision.
Au vu des perspectives géopolitiques et conjoncturelles incertaines en Europe et des conséquences que ces incertitudes pourraient engendrer pour la Suisse, l’Union patronale suisse avait mis en garde contre un taux minimal aussi élevé.
Déjà à l’époque, les faits étaient sur la table et ils ont donné lieu à des communiqués: la formule utilisée à titre indicatif exigeait pour 2015 au plus tard un abaissement du taux minimal à 1,5 pour cent. Y avait-il des arguments objectifs en faveur de l’octroi d’un «supplément» et donc du maintien du taux minimal à 1,75? Non. Au vu des perspectives géopolitiques et conjoncturelles incertaines en Europe et des conséquences que ces incertitudes pourraient engendrer pour la Suisse, l’Union patronale suisse avait mis en garde contre un taux minimal aussi élevé. L’avertissement des employeurs est d’autant plus compréhensible que ce taux représente une norme minimale prescrite aux caisses de pension. Celles dont la situation financière le permet peuvent et doivent bien sûr rémunérer leurs assurés à un taux plus élevé.
Les employeurs adhèrent à l’idée d’une bonne prévoyance professionnelle, stable. Leur engagement financier est énorme. Même sans charges supplémentaires, nombre d’entre eux sont déjà sous pression au titre de la prévoyance professionnelle. Ils sont en droit d’attendre d’une commission d’experts qu’elle prenne des décisions réalistes et objectives. Il faut espérer que la Commission LPP saura au moins tirer les leçons de sa recommandation malheureuse de l’année dernière.